Dans la chaleur étouffante de Mbuji-Mayi, un souffle d’espoir semble enfin se lever sur le Kasaï Oriental. Les chefs coutumiers des groupements de Bena Muembia et Bena Tshimina, ces gardiens traditionnels de la terre et de la paix, ont joint leurs voix pour lancer un appel solennel à la réconciliation. Combien de vies faudra-t-il encore sacrifier avant que la raison ne l’emporte ? Cette question hante les esprits dans le territoire de Katanda, où des conflits fonciers ancestraux ont déjà décimé des centaines de familles.
L’atelier organisé le week-end dernier par le Centre féminin d’information et de formation pour le développement (CEFIFE) a servi de cadre à cette déclaration historique. Autour de la table, des visages marqués par des années de tensions, mais déterminés à tourner la page. La résolution 1325 de l’ONU sur les femmes, la paix et la sécurité, et la résolution 2250 sur la jeunesse et la paix, ont constitué le fondement théorique de ces échanges cruciaux pour la stabilité de la région.
« Nous nous sommes dit que quiconque transgressera ce pacte de non-agression rencontrera des conséquences graves », affirme le chef Christophe Kashala de Bena Shimba, la voix chargée d’une autorité qui n’exclut pas l’émotion. Ces mots, prononcés devant un parterre d’acteurs locaux, résonnent comme un avertissement mais aussi comme une promesse. Une promesse de jours meilleurs pour des communautés meurtries par des décennies de violences.
Comment en est-on arrivé là ? Le conflit dans le territoire de Katanda puise ses racines dans des revendications territoriales complexes, exacerbées par la pression démographique et la rareté des ressources. Des champs devenus des champs de bataille, des récoltes perdues, des familles déchirées – le prix payé par les populations dépasse l’entendement. Pourtant, au milieu de ce chaos, des lueurs d’esperance persistent.
Le chef Kabemba Yampanu de Bena Muembia témoigne de cette résilience : « Je félicite ma population d’avoir gardé le calme malgré les tensions pendant mon séjour à Kinshasa ». Cette simple déclaration en dit long sur la maturité des communautés, leur volonté farouche de préserver la paix même en l’absence de leurs leaders. Ne serait-ce pas là le signe que les mentalités évoluent, que la reconciliation devient une nécessité vitale plutôt qu’une simple option politique ?
L’atelier paix Mbuji-Mayi représente bien plus qu’une simple réunion de plus. Il incarne la concrétisation d’un engagement pris en avril 2025, lorsque les parties belligérantes ont signé ce pacte historique mettant fin à « plus de plusieurs années de conflits ». La route sera longue, certes, mais les premiers pas sont franchis. Enterrer la hache de guerre, cultiver la paix au quotidien, favoriser la cohabitation pacifique – voilà le nouveau credo des communautés de Katanda.
Au-delà des déclarations officielles, c’est tout un système de valeurs qui se reconstruit. Les femmes, souvent premières victimes des conflits mais aussi premières artisanes de la paix dans l’ombre, trouvent enfin une tribune pour faire entendre leurs préoccupations. Les jeunes, tentés par la violence faute d’alternatives, découvrent d’autres moyens d’affirmer leur identité. La résolution des conflits fonciers Katanda passe nécessairement par cette approche inclusive, qui reconnaît le rôle de chaque composante sociale.
Mais le plus dur reste à venir. Comment transformer ces bonnes intentions en réalité tangible ? Comment garantir que le pacte scellé à Mbuji-Mayi résistera aux provocations futures ? La réponse se trouve peut-être dans cette sagesse ancestrale que les chefs coutumiers tentent de raviver, mêlée aux principes modernes de gouvernance inclusive prônés par les résolutions onusiennes. L’espoir, fragile mais tenace, renaît dans le Kasaï Oriental. Reste à lui donner les moyens de grandir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
