Ce dimanche 26 octobre, une onde de choc traverse la communauté catholique de Goma. À l’hôpital Charité Maternelle, Monseigneur Faustin Ngabu, l’ancien pilier spirituel du diocèse, s’éteint à 10h30 après un long combat contre la maladie. À 90 ans, celui qui avait dirigé le diocèse pendant près de quatre décennies laisse derrière lui un héritage aussi vaste que les défis de cette région tourmentée du Nord-Kivu.
« C’est comme si nous avions perdu notre père », confie un fidèle rencontré devant la cathédrale de Goma. « Monseigneur Ngabu, c’était plus qu’un évêque, c’était un rocher dans la tempête. Dans cette région où tout semble s’écrouler, il tenait bon. » Ce témoignage reflète l’émotion palpable dans les rues de Goma, ville qui doit tant à cet homme d’Église exceptionnel.
Qui était vraiment cet homme qui a dirigé le diocèse de Goma de 1974 à 2010 ? Né en 1935 à Lokwa, Faustin Ngabu est ordonné prêtre le 21 décembre 1963. Le 7 septembre 1974, il devient évêque de Goma, succédant à Monseigneur Joseph Mikararanga Busimba. Trente-six années de ministère épiscopal qui verront le diocèse se transformer profondément, malgré les conflits armés, les tensions ethniques et les éruptions volcaniques qui frappent régulièrement la région.
Sa devise épiscopale, « Que tous soient un », n’était pas qu’une simple formule. Elle guidait chacune de ses actions dans cette province du Nord-Kivu déchirée par les divisions. Comment cet homme a-t-il réussi à maintenir l’unité dans une région si souvent au bord de l’implosion ? Par une présence constante, un engagement sans faille et une vision pastorale qui transcendait les clivages.
Sous sa direction, le paysage religieux et social de Goma s’est considérablement développé. Création des paroisses de Binja, Notre-Dame d’Afrique de Katoyi, Miséricorde divine de Sake et Bienheureuse Anuarite de Himbi. Mise en place d’hôpitaux et de centres de santé mentale à Kyeshero. Autant de réalisations qui témoignent d’une vision holistique du développement, mêlant spiritualité et action sociale concrète.
Le rôle de Mgr Ngabu au sein de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) fut tout aussi déterminant. Son expérience et sa sagesse ont influencé bien au-delà les frontières de son diocèse. En novembre 2024, le diocèse célébrait ses 65 ans d’érection canonique et, fait rare parmi les évêques africains, les 50 ans d’épiscopat de Mgr Ngabu. Une carrière exceptionnelle couronnée par ce jubilé historique.
Aujourd’hui, face à cette disparition, comment la communauté catholique de Goma va-t-elle poursuivre l’œuvre de ce bâtisseur ? Le diocèse invite tous les fidèles à prier pour le repos de l’âme de celui qui les a guidés pendant si longtemps. En attendant la publication du programme du deuil, une question se pose : qui pourra reprendre le flambeau de cet infatigable artisan de paix ?
La disparition de Monseigneur Faustin Ngabu intervient dans un contexte régional particulièrement fragile. Le Nord-Kivu, toujours en proie à l’insécurité et aux conflits armés, perd l’une de ses voix les plus respectées. Un médiateur naturel dont l’influence dépassait largement le cadre purement religieux. Son engagement pour la réconciliation et le développement social laisse un vide que d’autres devront combler.
Que restera-t-il de l’héritage de Mgr Ngabu ? Sans doute cette conviction profonde que même dans les situations les plus désespérées, l’unité et la foi peuvent triompher des divisions. Son parcours exceptionnel rappelle que le leadership spirituel, quand il est exercé avec humilité et détermination, peut transformer durablement une société.
Alors que Goma entre en deuil, la figure de Monseigneur Faustin Ngabu continuera d’inspirer les générations futures. Son combat pour l’unité, son dévouement pastoral et sa résilience face aux défis multiples du Nord-Kivu demeureront des références pour tous ceux qui œuvrent à construire une société plus juste et plus fraternelle dans cette région meurtrie.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
