Dans le cœur battant de la forêt équatoriale, une initiative culturelle émerge comme un phoenix des cendres de l’histoire. Kisangani, cette ville-mémoire aux cicatrices anciennes, devient le théâtre d’une renaissance artistique orchestrée par l’écrivain visionnaire Godefroy Mwanabwato. Son concours artistique « Kisangani – Mémoire du Dragon Rouge » se présente comme un pont jeté entre les douleurs du passé et les créations de demain.
Comment une ville peut-elle transformer ses traumatismes en sources d’inspiration ? La réponse se niche peut-être dans cette démarche audacieuse qui invite les jeunes talents à s’emparer des pages sombres et lumineuses de leur histoire. L’opération Dragon Rouge de 1964, cette intervention militaire belgo-américaine qui marqua durablement les consciences, retrouve aujourd’hui une résonance particulière à travers l’appel à la création lancé par l’auteur de « La Maison des Merveilles ».
Les ombres du passé dansent avec les couleurs du présent alors que les artistes kisanganiens sont conviés à explorer quatre thèmes majeurs : l’opération Dragon Rouge et son contexte historique, la guerre des Six Jours de juin 2000, l’univers romanesque de Mwanabwato, et la mémoire résiliente de cette cité qui refuse l’oubli. La création artistique en RDC devient ainsi un acte de résistance mémorielle, une manière de tisser des liens entre les générations.
Les modalités de participation révèlent une volonté d’inclusion remarquable. Les œuvres peuvent être soumises en français, lingala ou swahili, reconnaissant ainsi la richesse linguistique de la région. Les catégories – nouvelles, dessins et peintures – offrent un terrain d’expression multiple où la fiction et le vécu se répondent dans une chorégraphie créative. La date limite du 20 novembre 2025 approche comme une promesse, une échéance qui pourrait marquer un tournant dans la scène culturelle congolaise.
Quelle alchimie transformera les souvenirs de guerre en œuvres de mémoire ? Les récompenses substantielles – jusqu’à un million de francs congolais pour les premiers prix – témoignent d’une reconnaissance concrète du travail artistique. Mais au-delà de l’aspect financier, c’est la publication dans un recueil collectif qui constitue le véritable trésor, offrant une visibilité nationale et internationale aux talents émergents.
La cérémonie de remise des prix, prévue le 24 novembre 2025, s’annonce comme un moment fort de communion culturelle. Soixante-et-un ans jour pour jour après l’opération Dragon Rouge, Kisangani célébrera non pas la violence, mais la capacité de création née des cicatrices. Cette symétrie temporelle n’est pas fortuite : elle inscrit délibérément la démarche dans un processus de réappropriation historique.
Godefroy Mwanabwato, en architecte de mémoire, comprend que les villes comme les individus ont besoin de récits pour se construire. Son concours artistique à Kisangani dépasse le simple cadre compétitif pour devenir un laboratoire de reconstruction identitaire. À travers les nouvelles, dessins et peintures qui naîtront de cette initiative, c’est toute une communauté qui se réinvente, transformant le plomb des traumatismes en or artistique.
La création artistique en RDC trouve ainsi une nouvelle voie d’expression, où la mémoire historique du Congo devient source vive d’inspiration. Les jeunes artistes de Kisangani, en s’emparant de cette opportunité, écrivent une nouvelle page de l’histoire culturelle congolaise – une page où la douleur se transmue en beauté, où le passé dialogue avec l’avenir, où la résilience s’exprime en couleurs et en mots.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd
