La classe politique congolaise semble naviguer en eaux troubles face à la question rwandaise, alors que l’ancien président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku rompt un silence jugé pesant par certains observateurs. Lors d’une conférence de presse tenue vendredi sous l’égide du mouvement « Sauvons la RDC », l’éminent membre du Front Commun pour le Congo (FCC) a apporté une réponse nuancée aux critiques concernant la position de sa famille politique vis-à-vis de Kigali.
Le député national, reconnaissant la gravité de la situation sécuritaire dans l’est du pays, a cependant estimé que la surenchère verbale actuelle atteignait ses limites. « S’il y a un agresseur, il faut saisir le Conseil de sécurité des Nations unies, qui agit sur base du chapitre VII de la Charte des Nations unies », a-t-il déclaré, proposant une alternative aux condamnations répétées. Cette position soulève une question fondamentale : les déclarations médiatiques suffisent-elles à faire reculer un agresseur déterminé ?
Minaku, figure influente du régime Kabila, défend une approche plus institutionnelle, plaidant pour la saisine de la Cour internationale de justice (CIJ) comme voie de résolution du conflit. « Plutôt que de répéter sans cesse que le Rwanda est l’agresseur, il faut aussi saisir la Cour internationale de justice. C’est cela la responsabilité », a-t-il martelé, rappelant au passage les succès diplomatiques obtenus sous l’ère Kabila.
Le parallèle historique établi par l’ancien président de l’Assemblée nationale mérite examen. En évoquant la condamnation de l’Ouganda par la CIJ à verser plus de 300 millions de dollars américains à la RDC, Minaku tente de démontrer l’efficacité des voies juridiques internationales. « On nous proposait 15 millions, mais le président Kabila a refusé. Finalement, l’indemnisation a été fixée à plus de 300 millions de dollars », a-t-il précisé, soulignant la fermeté dont avait fait preuve l’ancien régime.
Cette démonstration s’inscrit dans une stratégie plus large de légitimation de l’action passée du FCC concernant les relations RDC Rwanda. « Prenez toutes les déclarations du FCC et du PPRD : nous avons maintes fois dénoncé la présence illicite des troupes étrangères en République démocratique du Congo », a insisté Minaku, répondant ainsi implicitement aux accusations de complaisance.
Pourtant, cette position ne semble pas convaincre l’actuel gouvernement. La réaction de Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, depuis Washington DC, illustre le fossé qui sépare les deux principales forces politiques du pays. Le ministre a jugé que les conclusions du conclave des Forces politiques et sociales de la RDC, organisé autour de Joseph Kabila, manquaient singulièrement de réalisme.
L’accusation portée par le porte-parole gouvernemental est lourde de sens : la famille politique de l’ancien chef de l’État se serait « auto-exclue » du prochain dialogue national pour avoir évité de nommer explicitement l’ennemi désigné, le Rwanda. Cette déclaration ouvre un nouveau front dans la bataille politique interne, alors que la cohésion nationale face à l’agression extérieure reste plus que jamais nécessaire.
La position d’Aubin Minaku et du FCC concernant le Rwanda soulève des interrogations sur l’évolution des relations RDC Rwanda. En privilégiant les voies juridiques internationales aux condamnations médiatiques, le FCC choisit-il une stratégie plus pragmatique ou manifeste-t-il une réserve politique calculée ? La question mérite d’être posée alors que la situation sécuritaire dans l’est du pays continue de se dégrader.
Le dialogue national annoncé pourrait-il souffrir de cette divergence fondamentale d’approche ? La réaction de Patrick Muyaya laisse peu de place au doute : l’exigence de nomination explicite de l’agresseur rwandais constitue désormais une ligne rouge pour la participation au dialogue. Le FCC joue donc gros dans ce positionnement apparemment technique mais profondément politique.
Alors que les tensions persistent dans la région des Grands Lacs, la classe politique congolaise semble divisée sur la méthode à adopter face à ce que beaucoup qualifient d’agression Rwanda Congo. Entre la voie judiciaire prônée par Minaku et l’exigence de condamnation sans équivoque défendue par le gouvernement, la RDC parviendra-t-elle à trouver un consensus face à l’adversité ? La réponse à cette question déterminera largement l’issue de la crise actuelle.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
