« Mes parents ont été tués par les éléments du chef de guerre Mungusi Mai-Mai. Pendant les affrontements, j’ai fui avec mon frère. À notre arrivée ici, il n’y avait rien à faire et rien à manger. » Le témoignage de Mwamini Kabulo, 14 ans, résume la détresse des milliers de déplacés Tanganyika qui ont trouvé refuge dans le village de Kyoko. Comme elle, des centaines d’enfants non accompagnés errent dans ce qui est devenu un vaste camp de fortune, survivant dans des conditions précaires après avoir fui les violences communautaires qui ravagent les villages de Mangala et Kinyema.
Depuis janvier 2025, la province du Tanganyika vit au rythme des déplacements massifs de populations. Les communautés Bantou et Twa, historiquement en conflit, se retrouvent paradoxalement unies dans la même détresse. Comment expliquer cette cohabitation forcée dans la misère ? Les affrontements entre groupes armés ont créé une situation humanitaire alarmante qui dépasse les vieux clivages ethniques.
L’UNICEF RDC a déployé une intervention d’urgence pour venir en aide à ces populations vulnérables. Plus de 1 000 ménages ont bénéficié d’articles ménagers essentiels, de kits WASH et de kits d’hygiène intime. « Nous sommes venus de Kinyema, nous avons fui les affrontements pour venir ici à Kyoko. L’UNICEF, avec la Croix-Rouge, est venue nous assister en soins de santé primaire. Même nos enfants qui souffraient de malnutrition sont actuellement guéris », témoigne Bernard Moke, chef du site de Kinyema.
L’aide humanitaire ne se limite pas aux seuls sites de Kyoko. À une trentaine de kilomètres de Kalemie, la gare de Makala accueille 3 544 autres déplacés venus du Nord et Sud-Kivu, ainsi que du village de Mikato, fuyant les atrocités du mouvement rebelle AFC/M23. Sifa Nsimire, l’une des bénéficiaires, confie : « J’ai fui la guerre entre les FARDC et le M23. En quittant Goma pour arriver ici, j’ai tout perdu. Face à toutes ces difficultés, j’ai contracté une infirmité à la jambe droite. »
Au-delà de l’assistance matérielle, l’UNICEF a mis en place un programme de soutien psychosocial crucial. Dans l’Espace Taba Congo, à Lukuga, un centre de formation professionnelle et de prise en charge psychologique offre un havre de paix aux victimes. Une jeune fille violée par cinq hommes alors qu’elle était seule dans sa tente raconte : « À cause de cela, j’ai honte d’aller à l’école. Je tiens à remercier l’UNICEF pour la formation : aujourd’hui, je suis capable de fabriquer du savon et de confectionner des habits. »
Malgré ces efforts, la crise déplacement RDC continue de poser d’immenses défis. L’approvisionnement en eau potable reste problématique, la déscolarisation des enfants s’aggrave, et les besoins en santé et nutrition augmentent quotidiennement. Comment garantir un avenir à ces populations doublement victimes – de la violence et de l’oubli ? La réponse humanitaire, bien que substantielle, ne suffit pas à endiguer une crise dont les racines plongent dans des conflits complexes et durables.
Les déplacés du Tanganyika incarnent le visage humain d’une tragédie qui dépasse les simples statistiques. Derrière chaque chiffre se cache une histoire de souffrance, de résilience et d’espoir brisé. Leur sort interpelle autant sur l’urgence de la réponse humanitaire que sur la nécessité d’une solution politique durable aux conflits qui déchirent l’est de la RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
