Quatre mois après sa signature sous médiation américaine, l’accord de Washington entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda fait l’objet de vives critiques internationales. Un rapport accablant de l’Oakland Institute remet en cause la probité de cet arrangement diplomatique, dénonçant une perpétuation du pillage des ressources congolaises sous couvert de processus de paix.
Le document intitulé « Floués ! La ruée vers les minéraux critiques en RDC » révèle comment cet accord, présenté comme historique par l’administration Trump, servirait en réalité les intérêts miniers américains tout en offrant une prime au Rwanda pour des décennies d’exploitation illégale. Comment un accord censé apaiser les tensions peut-il simultanément légitimer un système de prédation économique ?
L’analyse des données commerciales présentée dans le rapport est particulièrement éloquente. Les exportations rwandaises de tantale vers les États-Unis ont été multipliées par quinze entre 2013 et 2018, période correspondant à la première invasion du M23. Plus troublant encore : à leur apogée, plus de la moitié des importations américaines de ce minerai stratégique provenaient du Rwanda, malgré la production limitée du pays.
« Indiscutablement, l’implication des États-Unis dans les affaires congolaises a toujours été liée à un objectif de garantir l’accès aux minéraux critiques », affirme Frédéric Mousseau, directeur des politiques à l’Oakland Institute et co-auteur du rapport. Selon lui, l’accord de Washington représente un « arrangement gagnant-perdant » qui favorise les intérêts miniers américains tout en récompensant le Rwanda pour des années de pillage des ressources congolaises.
Le contexte géopolitique rend ces révélations particulièrement préoccupantes. L’accord intervient alors que le Rwanda et son bras armé, le M23, ont étendu leur contrôle territorial dans l’est de la RDC. Après l’échec du processus de Luanda et la chute de Goma et Bukavu, Washington et Doha constituent les deux volets complémentaires des initiatives diplomatiques actuelles.
Sur le papier, l’accord de Washington comprend des dispositions sécuritaires et économiques ambitieuses. Il prévoit le respect de l’intégrité territoriale, la cessation des hostilités entre armées régulières et l’engagement mutuel de ne plus soutenir de groupes armés. Le volet économique promet une coopération renforcée autour de projets communs dans l’hydroélectricité, la gestion des parcs nationaux et la traçabilité des minerais.
Mais le rapport de l’Oakland Institute souligne que l’intégration économique régionale, au cœur de l’accord, risque de légaliser un système de blanchiment des minerais congolais qui perdure depuis des décennies. Les mécanismes de traçabilité prévus suffiront-ils à enrayer des pratiques si profondément ancrées ?
La situation rappelle amèrement les précédents historiques où les initiatives de paix ont servi de paravent à la consolidation d’intérêts économiques étrangers. L’administration américaine, qui s’est abstenue d’appliquer ses propres mécanismes de sanctions contre le Rwanda malgré les violations répétées, voit aujourd’hui sa crédibilité mise à mal.
Alors que les discussions se poursuivent à Doha pour compléter l’accord de Washington en abordant les dimensions internes du conflit, la confiance des populations locales envers ces processus diplomatiques s’érode dangereusement. La restauration de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire et la réintégration des groupes armés peuvent-elles véritablement s’opérer dans un contexte où les motivations économiques semblent primer sur les considérations humanitaires ?
Les relations RDC-Rwanda, complexes et tendues depuis des décennies, nécessitent une approche transparente et équitable. Le pillage des ressources RDC ne peut constituer le prix à payer pour une paix fragile. L’accord de Washington, s’il n’est pas révisé pour mieux protéger les intérêts congolais, risque d’entériner un déséquilibre régional aux conséquences durables.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd