Le visage rayonnant d’espoir, Jean-Paul, commerçant à Beni depuis quinze ans, n’en revient toujours pas. « Enfin, nous n’aurons plus à parcourir des centaines de kilomètres et dépenser des fortunes pour obtenir notre passeport biométrique RDC ! », s’exclame-t-il devant la mairie de Beni où s’installera bientôt le nouveau centre de capture.
Cette annonce du ministère des Affaires étrangères RDC représente bien plus qu’une simple ouverture administrative. Pour des milliers d’habitants du Nord-Kivu, c’est la fin d’un véritable parcours du combattant. Combien ont dû renoncer à des opportunités professionnelles à l’étranger, faute de moyens pour se rendre à Bunia ou Kinshasa ? Combien de familles séparées par des frontières administratives invisibles mais bien réelles ?
Le centre de capture Beni, qui débutera ses activités dans exactement trente jours, s’installe stratégiquement au cœur de la ville. Cette localisation n’est pas le fruit du hasard. Elle répond à une demande croissante dans cette région où la mobilité devient progressivement synonyme de survie économique. Comment, en effet, envisager le développement du Nord-Kivu sans faciliter les déplacements de ses habitants ?
Anselme Ponge, le chef du centre, précise les modalités pratiques avec une certaine fierté dans la voix. « Le service fonctionnera pendant environ un mois, avec un délai de trois semaines pour obtenir le précieux sésame une fois toutes les formalités accomplies. » Trois semaines seulement ? Un véritable exploit dans un pays où les démarches administratives s’apparentent souvent à un marathon sans fin.
Mais la véritable révolution réside dans la digitalisation du processus. La demande de passeport en ligne devient la norme, une petite révolution dans une région où l’accès à internet reste parfois chaotique. Les demandeurs devront d’abord obtenir le formulaire NIF et le code QR via l’application dédiée, avant d’effectuer le paiement à la banque Equity BCDC. Une procédure qui, espérons-le, réduira considérablement les risques de corruption et de tracasseries administratives.
Qu’en est-il des populations rurales, moins familiarisées avec les nouvelles technologies ? Le défi reste entier. Si la digitalisation représente un progrès indéniable, elle pourrait également exclure les plus vulnérables. Les autorités ont-elles prévu des mécanismes d’accompagnement pour ceux qui ne maîtrisent pas les outils numériques ?
Pour les habitants de Butembo et autres localités de la province, cette initiative du ministère des Affaires étrangères RDC signifie la fin d’expédients dangereux. Plus besoin de recourir à des réseaux parallèles, souvent coûteux et peu fiables, pour obtenir ses documents de voyage. La régularisation devient enfin accessible.
Ce centre s’inscrit dans une politique plus large de décentralisation des services de l’État. Une manière de reconnaître que le développement du pays passe aussi par l’accessibilité aux services de base dans toutes les régions. Le Nord-Kivu, souvent perçu comme une zone de conflits, mérite-t-il moins d’attention administrative que la capitale ? La réponse semble enfin positive.
Reste à voir comment se déroulera la mise en œuvre concrète. La période d’opération d’un mois seulement suffira-t-elle à répondre à la demande accumulée ? Les infrastructures techniques résisteront-elles à l’afflux prévisible ? Autant de questions qui trouveront leurs réponses dans les semaines à venir.
Au-delà de l’aspect pratique, cette ouverture symbolise une reconnaissance tant attendue. Les habitants du Nord-Kivu pourront enfin voyger légalement, participer à des foires commerciales à l’étranger, poursuivre des études internationales sans que la paperasse ne devienne un obstacle infranchissable. Une petite révolution administrative qui, espérons-le, annonce d’autres avancées similaires dans les provinces longtemps marginalisées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net