Depuis 2023, une guerre commerciale silencieuse oppose Washington à Pékin, avec des conséquences directes sur l’approvisionnement mondial en métaux stratégiques. Cette confrontation économique, initiée par les restrictions américaines sur l’exportation de puces électroniques avancées, a provoqué une riposte chinoise ciblant précisément les métaux rares essentiels à l’industrie technologique.
Le germanium, métal critique utilisé dans les fibres optiques, l’infrarouge et les technologies spatiales, se trouve au cœur de cette bataille géoéconomique. Alors que la Chine dominait jusqu’à présent le marché mondial de ce métal stratégique, représentant environ 60% de la production globale, sa décision de restreindre les exportations a créé une onde de choc dans les chaînes d’approvisionnement internationales.
Dans ce contexte tendu, la République Démocratique du Congo émerge comme un acteur potentiellement déterminant. La Société du Terril de Lubumbashi, filiale à 100% de la Gécamines, a commencé depuis 2024 à exporter du concentré de germanium transformé localement dans la province du Katanga. Cette évolution significative dans le secteur des métaux rares Congo pourrait-elle modifier l’équilibre des forces dans la guerre commerciale Chine USA ?
Le partenariat stratégique conclu avec Umicore, entreprise belge spécialisée dans les technologies des matériaux, représente un tournant décisif. Cette collaboration, saluée par les États-Unis, permet à la RDC de valoriser localement ses ressources minérales tout en développant une expertise technique pointue. L’implication d’Umicore Gécamines dans ce projet témoigne de la volonté de créer une filière intégrée depuis l’extraction jusqu’à la transformation avancée.
Les observateurs internationaux suivent avec attention cette montée en puissance de la RDC dans le domaine des métaux stratégiques. La diversification des sources d’approvisionnement en germanium devient une priorité pour de nombreuses économies occidentales, soucieuses de réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine. La position géostratégique de la République Démocratique du Congo, combinée à ses importantes ressources minérales, pourrait en faire un partenaire privilégié dans cette reconfiguration des chaînes d’approvisionnement mondiales.
Mais quels défis la Société Terril Lubumbashi devra-t-elle surmonter pour consolider sa position ? La question de la capacité de production, des investissements nécessaires et de la stabilité du cadre réglementaire congolais reste centrale. Le développement durable de cette filière nécessitera des investissements substantiels dans les infrastructures et la formation de compétences locales spécialisées.
La situation actuelle illustre parfaitement comment les tensions géopolitiques entre grandes puissances peuvent créer des opportunités inattendues pour les économies émergentes. La RDC, souvent perçue comme simple fournisseur de matières premières brutes, démontre ici sa capacité à monter en gamme dans la chaîne de valeur des métaux stratégiques. Cette évolution pourrait marquer le début d’une transformation structurelle de son économie minière.
Alors que la demande mondiale en germanium devrait croître de 8% annuellement jusqu’en 2030, principalement portée par le développement des technologies 5G et de l’Internet des objets, la position de la RDC dans ce marché stratégique prend une dimension nouvelle. Le pays dispose-t-il des atouts nécessaires pour devenir une alternative crédible face au quasi-monopole chinois ? La réponse dépendra largement de sa capacité à maintenir un environnement propice aux investissements et à développer une expertise industrielle compétitive.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd