La descente présidentielle sur le site des artisans meubles Delvaux à Kinshasa révèle une prise de conscience aiguë des enjeux économiques et sociaux liés à cette corporation. Le Président Félix Tshisekedi, en se rendant personnellement sur les lieux dévastés par l’incendie du 11 octobre 2025, a manifesté une volonté politique affichée de rompre avec les solutions éphémères qui ont caractérisé la gestion des précédentes catastrophes.
La visite du chef de l’État dans la commune de Ngaliema s’inscrit dans une stratégie de communication bien rodée, mais soulève également des questions fondamentales sur la pérennité des politiques publiques en matière d’accompagnement des artisans. Comment expliquer que le même espace ait connu deux incendies majeurs en l’espace de trois ans, avec à chaque fois les mêmes conséquences dramatiques pour les artisans des meubles Delvaux ? La réponse présidentielle semble enfin prendre la mesure des enjeux structurels.
Le constat dressé par le locataire du Palais de la Nation témoigne d’une lucidité certaine face à l’ampleur des dégâts matériels. Plus de 100 ateliers de fortune réduits en cendres, près d’un millier de jeunes travailleurs affectés : ces chiffres illustrent l’impact économique dévastateur de cette catastrophe répétée. La Président Tshisekedi visite terrain dans un contexte où la crédibilité de l’action gouvernementale en matière de protection des petites entreprises est sérieusement mise à l’épreuve.
L’analyse des mesures annoncées lors du Conseil des ministres révèle une approche duale : urgence humanitaire immédiate et réflexion structurelle à moyen terme. La désignation personnelle des ministres de la Formation professionnelle et des PME comme responsables du dossier traduit une volonté d’impliquer directement le sommet de l’État dans la résolution de cette crise. Mais cette concentration des responsabilités au niveau ministériel suffira-t-elle à briser le cycle infernal des reconstructions suivies de nouvelles destructions ?
La proposition de création d’un incubateur pour les artisans sinistrés représente une innovation notable dans l’approche gouvernementale. Cette initiative, si elle est correctement mise en œuvre, pourrait effectivement transformer le secteur artisanal congolais en lui offrant un cadre institutionnel stable. Cependant, le délai de 20 jours imposé pour la remise du rapport détaillé apparaît comme un pari audacieux, voire périlleux, compte tenu de la complexité des enjeux à résoudre.
Les mesures gouvernementales artisans doivent nécessairement intégrer la dimension sécuritaire, particulièrement sensible dans le contexte des tensions récurrentes entre menuisiers et propriétaires résidentiels. La question foncière, évoquée en filigrane dans le compte-rendu présidentiel, constitue un nœud gordien que les autorités devront trancher pour assurer une sécurisation durable du site artisans incendie Ngaliema. La recherche d’un équilibre entre développement économique et protection des riverains s’annonce comme un exercice d’équilibriste pour le gouvernement.
La dimension assurantielle et sécuritaire mise en avant par le président soulève une question fondamentale : jusqu’à quand les artisans congolais devront-ils exercer leur activité dans la précarité institutionnelle ? L’exigence de conformité aux normes légales en matière d’assurance et de sécurité au travail représente un premier pas vers la professionnalisation du secteur, mais son application effective nécessitera un accompagnement technique et financier substantiel.
La mise en garde contre les « initiatives éparses ou non coordonnées » témoigne d’une prise de conscience des dysfonctionnements administratifs passés. Cette volonté affichée de rationaliser l’action publique marque-t-elle un tournant dans la gouvernance des politiques de soutien à l’artisanat ? L’efficacité de ce recentrage décisionnel se mesurera à l’aune des résultats concrets obtenus dans les prochaines semaines.
Alors que la communauté des artisans meubles Delvaux tente de se relever une nouvelle fois, l’action gouvernementale se trouve à un carrefour décisif. La crédibilité des engagements présidentiels sera jugée sur sa capacité à transformer les déclarations d’intention en réalisations tangibles. Le prochain rapport ministériel, attendu dans vingt jours, constituera le premier test décisif pour cette nouvelle stratégie d’encadrement du secteur artisanal.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd