La réapparition de Joseph Kabila sur la scène politique africaine, depuis Nairobi où il a proclamé la création du « Mouvement sauvons la République Démocratique du Congo », interroge sur les recompositions de l’opposition congolaise et les stratégies de contournement judiciaire. Condamné par contumace pour trahison et crimes de guerre par la Haute cour militaire congolaise en juillet dernier, l’ancien chef de l’État orchestre depuis la capitale kényane une offensive diplomatique qui vise explicitement le régime de Félix Tshisekedi.
Cette renaissance politique en terre étrangère soulève plusieurs interrogations stratégiques : Kabila peut-il véritablement incarner une alternative crédible depuis l’exil ? Son nouveau mouvement représente-t-il une plateforme politique viable ou simplement un regroupement d’intérêts personnels déchus ? La tenue de ces assises à Nairobi, pendant deux jours, avec plusieurs figures de l’opposition congolaise, démontre une volonté de maintenir une influence sur l’échiquier politique national, malgré les verdicts judiciaires.
La réaction du pouvoir en place ne s’est pas fait attendre. Me Evariste Kalala, éminent cadre de l’UDPS, a fustigé avec virulence ce qu’il qualifie de « nostalgie des privilèges perdus » et dénonce une rencontre organisée par des « millionnaires et milliardaires d’hier ». Le ton est donné : Kinshasa considère cette initiative comme illégitime et contraire aux intérêts nationaux. « Tu ne peux pas avoir des millions de dollars avec le peuple que tu as laissé croupir dans la misère, et prétends que tu viens le sauver », assène-t-il, dans une charge qui résume l’argumentaire du camp présidentiel.
La condamnation à mort de Kabila par la justice militaire congolaise pèse lourd dans cet affrontement politique. L’ex-président dénonce « la dictature » de Tshisekedi et « des jugements iniques » contre ses opposants, mais peut-il véritablement espérer un retour en grâce alors que la trahison et les crimes de guerre constituent l’ossature de son acte d’accusation ? La stratégie de Nairobi semble reposer sur une internationalisation du conflit politique congolais, cherchant des soutiens régionaux pour contrer l’isolement croissant de l’ancien dirigeant.
Me Kalala enfonce le clou en soulignant la continuité des alliances : « Ils étaient toujours avec Kabila, il n’y a rien de nouveau ». Cette analyse suggère que le « Mouvement sauvons la RDC » ne représenterait qu’un recyclage d’anciennes connivences plutôt qu’une véritable renaissance politique. Le cadre de l’UDPS rappelle avec force que les victoires électorales de 2018 et 2023 ont été obtenues sans ces acteurs, minimisant ainsi leur capacité de nuisance réelle.
La question du dialogue politique apparaît comme l’un des enjeux centraux de cette confrontation. Alors que Kabila semble vouloir positionner son mouvement comme une force de proposition alternative, le pouvoir en place campe sur ses positions : « Le dialogue est permanent avec le Chef de l’État », mais « il ne s’agira pas de brader le Congo ». La formulation est révélatrice d’un rapport de force déséquilibré, où Tshisekedi incarnerait, selon ses partisans, la légitimité populaire incontestable avec 73% des voix.
Cette reconfiguration de l’opposition congolaise autour de la figure controversée de Kabila interroge sur l’avenir du jeu politique national. Le recours à Nairobi comme base arrière traduit-il une faiblesse structurelle des oppositions internes ou au contraire une stratégie délibérée d’externalisation des conflits ? Les prochains mois permettront de mesurer la capacité de ce nouveau mouvement à fédérer au-delà des cercles traditionnels kabilistes et à proposer une alternative crédible au régime en place.
Dans ce contexte volatile, la stabilité monétaire saluée par Me Kalala pourrait constituer un argument décisif pour le camp présidentiel. La capacité du gouvernement à maintenir le taux de change face aux turbulences politiques représente un atout non négligeable dans la bataille de légitimité qui se joue actuellement. Reste à savoir si les Congolais privilégieront la stabilité économique ou adhéreront aux critiques portées contre « la dictature » présumée du régime actuel.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net