La Convention pour la révolution populaire (CRP), ce mouvement politico-militaire qui avait suscité tant d’espoirs dans la province troublée de l’Ituri, traverse une tempête politique aux conséquences potentiellement dévastatrices. La démission collective de cinq cadres fondateurs, annoncée ce samedi 18 octobre 2025 à Kampala, révèle des fractures profondes au sein d’une organisation qui peine à incarner l’unité qu’elle prétend promouvoir.
Charles Bungamuzi Kakani, premier vice-président de la CRP, et quatre autres dirigeants historiques ont choisi la rupture, dénonçant avec une rare virulence ce qu’ils qualifient de « dérives systémiques » au sommet de l’organisation. Leur déclaration commune brosse le portrait d’un Thomas Lubanga Dyilo enfermé dans des pratiques de gouvernance que l’on croyait révolues : gestion autocratique, clanisme exacerbé, affairisme rampant. La révolution populaire serait-elle en train de reproduire les schémas qu’elle prétend combattre ?
L’accusation la plus lourde concerne l’instrumentalisation économique du conflit en Ituri. Selon les démissionnaires, le président de la CRP solliciterait régulièrement des contributions financières auprès des opérateurs économiques locaux, invoquant le financement de « l’effort de guerre », mais sans jamais rendre compte de l’utilisation de ces fonds. Cette opacité financière interroge sur la véritable nature d’un mouvement dont la crédibilité repose pourtant sur sa capacité à incarner une alternative crédible aux pratiques prédatrices.
« Depuis la naissance du mouvement, aucune ligne claire n’a été définie. Il n’y a ni vision, ni inclusion, seulement un repli sur un cercle restreint à visée tribale », affirme l’un des signataires de la déclaration. Ces mots, d’une rare dureté, témoignent de l’ampleur de la désillusion parmi ceux qui avaient cru à la possibilité d’une nouvelle approche politique dans cette région meurtrie par des décennies de violence.
La crise interne de la Convention révolutionnaire populaire dépasse largement le cadre d’un simple conflit de personnes. Elle pose des questions fondamentales sur la gouvernance des mouvements politico-militaires en République Démocratique du Congo et leur capacité à transcender les logiques qui ont si souvent conduit à la fragmentation et à l’échec. Comment un mouvement peut-il prétendre œuvrer pour l’unité nationale quand il reproduit en son sein les divisions qu’il dénonce par ailleurs ?
Le retrait de ces cadres fondateurs pourrait marquer un tournant décisif pour l’avenir de la CRP. En appelant la population de l’Ituri à « cesser tout soutien » à l’organisation, les dissidents portent un coup potentially fatal à la légitimité du mouvement dans sa base historique. Cette province, déjà éprouvée par des années de conflits, a-t-elle vraiment besoin d’une nouvelle source de division ?
La gestion de cette crise par Thomas Lubanga sera scrutée avec attention par tous les observateurs de la scène politique congolaise. Sa capacité à répondre aux accusations, à ouvrir un dialogue authentique avec les dissidents et à mettre en œuvre des réformes structurelles déterminera non seulement l’avenir de la CRP, mais aussi la crédibilité des alternatives politiques émergentes dans l’est de la RDC.
Les prochains jours s’annoncent décisifs pour la Convention révolutionnaire populaire. La démission de Charles Bungamuzi Kakani et de ses compagnons pourrait bien être le premier acte d’une recomposition plus large du paysage politique dans l’Ituri. Reste à savoir si Thomas Lubanga saura tirer les leçons de cette crise ou s’il choisira la fuite en avant, au risque d’accélérer l’implosion de son mouvement.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
