Le terrain Missioni de Selembao a servi de cadre ce samedi à une démonstration de force politique de l’opposition congolaise, incarnée par Delly Sesanga et son parti ENVOL. Devant une foule acquise à sa cause, le président national du mouvement a déployé une rhétorique aussi énergique que calculée, proposant rien moins qu’une refondation nationale autour de dix axes fondamentaux. Cette intervention survient dans un contexte politique particulièrement tendu, alors que le régime Tshisekedi fait face à des critiques croissantes sur sa gestion des multiples crises que traverse le pays.
Dans quel délai cette vision ambitieuse pourrait-elle se concrétiser, alors que l’opposition politique RDC peine traditionnellement à unir ses forces ? Delly Sesanga, ancien candidat à la présidentielle, semble vouloir capitaliser sur le mécontentement populaire pour imposer son leadership au sein d’une opposition souvent fragmentée. Son discours, soigneusement construit, alterne entre dénonciation virulente du pouvoir en place et propositions structurelles pour un « Congo nouveau ».
Le premier axe, consacré au refus de « la guerre sans fin », interpelle directement l’exécutif sur sa capacité à pacifier l’Est du pays. La proposition d’un « véritable dialogue national » résonne comme un rappel à l’ordre républicain, tandis que la restauration des libertés publiques vise clairement les dérives autoritaires régulièrement dénoncées par les organisations de défense des droits humains. Cette approche place Delly Sesanga en défenseur des valeurs démocratiques fondamentales, position stratégique dans le paysage politique congolais.
La question de la souveraineté nationale, deuxième pilier du programme d’ENVOL, touche une corde particulièrement sensible dans un contexte régional volatile. L’appel à « mettre fin à toute présence armée étrangère » et à bâtir des forces de sécurité dissuasives répond aux préoccupations sécuritaires légitimes des Congolais, tout en constituant une critique implicite de la gestion des relations internationales par le pouvoir actuel. Le parti ENVOL RDC semble ainsi vouloir se positionner comme garant de l’indépendance nationale, thème porteur dans l’électorat congolais.
Les propositions économiques et sociales, notamment la création d’« emplois réels » et la diversification de l’économie, visent directement les faiblesses structurelles d’un modèle économique encore trop dépendant des rentes extractives. La promesse de « réduire le train de vie de l’État » et de lutter contre le gaspillage s’inscrit dans une logique d’austérité vertueuse, tandis que le renforcement des services publics répond aux attentes d’une population confrontée à la précarité des soins et de l’éducation.
Sur le plan institutionnel, l’insistance sur le respect strict de la Constitution du 18 février 2006, avec l’avertissement « pas de glissement, pas de 3e mandat », constitue un marqueur politique fort. Cette position place ENVOL en rempart contre les tentations de prolongation du pouvoir, dans un contexte africain où les révisions constitutionnelles controversées se sont multipliées. La dénonciation de la « caporalisation du Parlement et de la Justice » pointe du doigt l’instrumentalisation des institutions, critique récurrente de l’opposition congolaise.
La lutte contre la « République de la prédation », huitième axe du programme, s’attaque frontalement aux maux endémiques que sont le tribalisme, le clientélisme et la corruption. Cette proposition rejoint les préoccupations d’une jeunesse congolaise en quête de transparence et de méritocratie. Mais comment rompre avec des pratiques si profondément ancrées dans le système politique congolais ? La réponse d’ENVOL semble reposer sur un renforcement de l’État de droit et une justice indépendante.
Le discours de Delly Sesanga marque-t-il un tournant dans les stratégies d’opposition en RDC ? La structuration du programme autour de dix axes clairs contraste avec le flou souvent reproché aux formations politiques congolaises. La refondation nationale proposée s’appuie sur une vision cohérente, mêlant urgence humanitaire, réformes structurelles et renforcement démocratique. Cependant, la faisabilité de ce programme ambitieux reste conditionnée à la capacité d’ENVOL à fédérer au-delà de son cercle militant.
La conclusion du meeting sur l’appel à une « mobilisation citoyenne à travers tout le pays » suggère une stratégie de terrain que l’opposition a parfois négligée. Le pari de Delly Sesanga consiste à transformer l’essai d’un meeting réussi en mouvement national capable de concurrencer sérieusement le pouvoir en place. Les prochains mois diront si cette ambition se heurtera aux réalités de la politique congolaise ou si elle parviendra à redessiner le paysage oppositionnel.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd