Dans un contexte où l’inclusion des personnes handicapées devient un enjeu politique majeur, le ministère chargé des Personnes vivant avec handicap (PVH) engage une bataille institutionnelle décisive pour la reconnaissance de la langue des signes RDC comme cinquième langue nationale. Cette revendication, portée avec une détermination remarquable par Irène Esambo, pourrait bien redéfinir le paysage linguistique congolais traditionnellement dominé par le lingala, le swahili, le kikongo et le tshiluba.
Lors de la clôture de la Semaine internationale des sourds et de la journée internationale de la langue des signes 2025 à Kinshasa, le Directeur de cabinet Dieudonné Wedi Djamba, représentant la ministre empêchée, a martelé un message politique fort : « La langue des signes constitue un droit fondamental et s’inscrit dans la vision inclusive du Président de la République. » Cette déclaration, prononcée devant une assemblée de militants et de personnes concernées, soulève une question fondamentale : la RDC est-elle prête à franchir le pas vers une reconnaissance linguistique historique ?
Le ministère des personnes vivant avec handicap ne se contente pas de simples déclarations d’intention. La matérialisation de cette vision politique se concrétise à travers plusieurs initiatives structurantes, notamment l’élaboration d’un Dictionnaire en langue des signes congolaises. Cet instrument pédagogique capital s’appuie sur le fondement juridique offert par la loi organique 22, dont l’article 44 alinéa 5 consacre déjà la reconnaissance officielle de ce mode de communication.
Mais au-delà des textes législatifs, quelles sont les implications réelles de cette reconnaissance ? L’établissement de la langue nationale congolaise des signes représenterait un tournant symbolique et pratique dans la politique d’inclusion sociale. Les participants à la cérémonie ont salué les avancées obtenues, tout en maintenant une pression constante pour un meilleur accès à l’information via des médias accompagnés d’interprètes. Cette demande souligne le décalage entre la reconnaissance formelle et l’application concrète des droits.
La stratégie politique déployée par Irène Esambo et son équipe ministérielle repose sur une approche multidimensionnelle. Outre le dictionnaire en cours de finalisation, la création de l’Académie de développement de la langue des signes constitue un pilier institutionnel essentiel. Cette structure spécialisée pourrait devenir le fer de lance de la standardisation et de la promotion de la langue des signes sur l’ensemble du territoire national. Cependant, la question des ressources et de la volonté politique réelle demeure un sujet d’interrogation.
Les personnes sourdes présentes lors de cet événement ont exprimé des attentes précises, encourageant l’État à mener des campagnes de vulgarisation et de promotion à travers tout le pays. Leur plaidoyer s’inscrit dans une logique d’inclusion sociale complète, où la reconnaissance linguistique n’est que la première étape d’un processus plus vaste d’intégration citoyenne. La langue des signes, au-delà de sa fonction communicative, devient ainsi un instrument d’émancipation et de revendication identitaire.
La ministre Esambo joue-t-elle son va-tout politique sur ce dossier ? La reconnaissance de la cinquième langue nationale représenterait une victoire symbolique majeure pour son ministère, souvent perçu comme secondaire dans l’échiquier gouvernemental. Pourtant, l’enjeu dépasse largement les considérations politiciennes : il s’agit de redéfinir la conception même de la citoyenneté congolaise et d’élargir le cercle des droits fondamentaux.
Le message d’espoir qui a clôturé cette semaine internationale des sourds porte en lui les germes d’une transformation sociale profonde. Faire de la langue congolaise des signes un « véritable levier de dignité, d’égalité et de citoyenneté » implique cependant de dépasser les déclarations d’intention pour entrer dans l’ère des réalisations concrètes. La balle est désormais dans le camp des institutions et de la société civile, qui devront conjuguer leurs efforts pour transformer cette ambition politique en réalité tangible.
Les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de cette revendication. Entre les pesanteurs administratives, les résistances culturelles et les contraintes budgétaires, le chemin vers la reconnaissance pleine et entière de la langue des signes comme cinquième langue nationale s’annonce semé d’embûches. Reste à savoir si la volonté politique affichée sera à la hauteur des défis à relever pour concrétiser cette avancée historique pour les droits des personnes handicapées en RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net