La terre s’est ouverte comme une gueule affamée, engloutissant vies et espoirs dans les profondeurs obscures de la mine artisanale de Rwenzori. Vendredi dernier, alors que des pluies diluviennes s’abattaient sur le territoire de Mahagi, en Ituri, trois creuseurs artisanaux d’or ont perdu la vie dans un éboulement terrifiant. Dix autres ont été grièvement blessés, leurs corps meurtris témoignant de la violence du drame.
« Nous étions en train de travailler quand soudain, la paroi s’est effondrée », raconte un survivant, la voix encore tremblante d’émotion. « L’eau avait ramolli la terre pendant des heures. Nous savions que c’était dangereux, mais que pouvions-nous faire ? C’est notre seule source de revenus. »
Ce témoignage poignant résume le dilemme cruel auquel sont confrontés des milliers de Congolais : risquer leur vie quotidiennement dans des mines artisanales ou sombrer dans une pauvreté encore plus profonde. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi ces tragédies se répètent-elles inlassablement, malgré les alertes et les mises en garde ?
Le service provincial de la Protection civile en RDC ne cache pas son amertume. Dans son dernier bulletin, il dénonce avec fermeté la négligence des responsables des carrés miniers. « Nous les avions pourtant sensibilisés il y a à peine deux mois sur les impératifs de sécurité », souligne un responsable sous couvert d’anonymat. « Mais sur le terrain, rien ne change. La course à l’or prime sur toute considération de sécurité. »
Les images qui nous parviennent de la zone minière de Mahagi sont accablantes : des puits creusés à la va-vite, sans aucun étayage, sans protection aucune. Des hommes descendent dans ces entrailles de la terre avec pour seul équipement une pioche et une lampe torche. Leur espérance de vie ? Personne n’ose véritablement y penser.
L’éboulement de la mine de Rwenzori n’est malheureusement pas un cas isolé. Dans toute la province de l’Ituri, les accidents miniers se multiplient, faisant chaque mois de nouvelles victimes. Les creuseurs artisanaux d’or travaillent dans des conditions dignes du Moyen Âge, sacrifiés sur l’autel d’une économie parallèle qui enrichit quelques-uns au détriment de la majorité.
« Quand la pluie a commencé à tomber fortement, nous aurions dû évacuer », reconnaît un autre survivant. « Mais le contremaître nous a pressés de continuer. Il disait qu’il fallait profiter de l’humidité qui facilitait le creusage. » Ces paroles résonnent comme un terrible constat d’échec. Jusqu’où faudra-t-il que le sang coule pour que les mentalités changent ?
La Protection civile RDC lance un cri d’alarme : des mesures de sécurité urgentes doivent être mises en place. Des puits mieux structurés, un équipement de protection minimal, des formations régulières sur les risques d’effondrement… La liste des nécessités est longue, mais le temps presse. Combien de vies faudra-t-il encore sacrifier avant d’agir concrètement ?
Derrière ces statistiques glacées – trois morts, dix blessés – se cachent des destins brisés. Des pères de famille qui ne rentreront plus jamais à la maison. Des épouses condamnées au veuvage précoce. Des enfants qui grandiront sans connaître l’affection paternelle. L’accident minier d’Ituri n’est pas qu’une simple actualité, c’est le reflet d’une tragédie humaine qui se joue dans l’indifférence générale.
Alors que les fouilles se poursuivent pour retrouver d’éventuelles victimes encore ensevelies, une question fondamentale se pose : comment concilier l’impératif économique de l’exploitation artisanale de l’or avec le droit élémentaire à la sécurité ? La réponse n’est pas simple, mais une chose est certaine : continuer dans cette voie signifierait accepter que des vies humaines deviennent la monnaie d’échange d’un développement sauvage.
La sécurité dans les mines artisanales doit devenir une priorité absolue pour les autorités congolaises. Pas demain, pas dans six mois, mais aujourd’hui même. Car chaque jour perdu signifie de nouvelles vies potentiellement sacrifiées. Le drame de Mahagi doit servir d’électrochoc pour enfin mettre en œuvre des politiques minières respectueuses de la dignité humaine.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net