La République Démocratique du Congo se trouve à la croisée des chemins, tiraillée entre les impératifs de stabilité et les calculs politiques internes. Alors que les appels au dialogue national inclusif se multiplient, la position du pouvoir face à cette initiative révèle les fractures profondes qui traversent le paysage politique congolais.
Le récent plaidoyer du président angolais João Lourenço, président en exercice de l’Union africaine, a trouvé un écho particulièrement favorable auprès d’Ensemble pour la République, le parti de Moïse Katumbi. Dans un communiqué rendu public samedi 18 octobre 2025, la formation politique a salué ce qu’elle qualifie de « prise de position courageuse et visionnaire » du chef de l’État angolais. La reconnaissance par Lourenço du retrait des troupes rwandaises, du démantèlement définitif des FDLR et de la tenue d’un dialogue politique inclusif comme conditions sine qua non d’une paix durable confère à cet appel une légitimité internationale incontestable.
Mais au-delà des déclarations de principe, que cache réellement cette convergence de vues entre le président en exercice de l’Union africaine et l’opposition congolaise ? Le timing de cette sortie publique interroge, alors que le président Tshisekedi tarde à se prononcer sur la convocation du dialogue national, près de deux mois après la publication de la feuille de route par les confessions religieuses. Ce retard, justifié officiellement par des problèmes d’agenda, alimente les spéculations dans les cercles politiques.
Le gouvernement congolais se trouve dans une position délicate. D’un côté, il ne peut ouvertement rejeter un appel soutenu par l’Union africaine et une partie importante de l’opposition. De l’autre, le président Tshisekedi a clairement exprimé ses réticences lors de son récent discours devant la communauté congolaise de Bruxelles, rejetant catégoriquement l’idée d’un dialogue incluant des représentants liés à « l’agression » dont son pays est victime. Cette position ferme, bien que compréhensible sur le plan diplomatique, risque-t-elle d’isoler davantage la RDC sur la scène régionale ?
La proposition d’Ensemble pour la République d’un dialogue sous l’égide de la CENCO et de l’ECC apparaît comme une tentative de contourner les objections présidentielles tout en maintenant la pression pour une solution négociée. Mais cette approche suffira-t-elle à convaincre un pouvoir qui semble redouter autant les implications internes que les ramifications régionales d’un tel processus ?
L’enjeu dépasse largement la simple tenue d’un dialogue national. Il s’agit ni plus ni moins de définir l’avenir politique de la RDC et sa place dans la région des Grands Lacs. La position intransigeante de Tshisekedi sur la question rwandaise, bien que légitime face aux agressions documentées, pourrait-elle à terme desservir les intérêts supérieurs du pays en fermant la porte à des solutions diplomatiques ?
La communauté internationale observe avec attention ces développements, consciente que la stabilité de toute la région des Grands Lacs dépend en grande partie de la capacité des acteurs congolais à trouver un terrain d’entente. L’Union africaine, par la voix de son président en exercice, a clairement indiqué la voie à suivre. Reste à savoir si les considérations politiques internes ne l’emporteront pas une fois de plus sur l’intérêt général.
Alors que le compte à rebours vers les élections de 2028 a déjà commencé, le président Tshisekedi joue son va-tout. Son refus catégorique de dialoguer avec « les émissaires des agresseurs » lui assure une certaine popularité auprès de l’opinion nationale, mais cette stratégie présente aussi des risques considérables. En s’opposant frontalement aux appels au dialogue inclusif, ne prend-il pas le risque d’isoler diplomatiquement son pays et de fragiliser sa propre position ?
La balle est désormais dans le camp du chef de l’État congolais. Sa décision concernant le dialogue national, attendue depuis des semaines, sera lourde de conséquences pour l’avenir immédiat du pays. Entre la tentation de la fermeté et la nécessité du compromis, le président devra trouver un équilibre délicat, sous le regard attentif de ses partenaires régionaux et de la communauté internationale tout entière.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd