Le secteur minier congolais, pilier essentiel de l’économie nationale, s’apprête à vivre une transformation majeure avec la transition programmée du moratoire vers un système de quotas pour les exportations de cobalt. Cette évolution stratégique, annoncée pour octobre 2025, marque un tournant décisif dans la gouvernance de cette ressource critique dont la République Démocratique du Congo détient près de 75% de la production mondiale.
Le moratoire sur les exportations de cobalt, instauré en février 2025 en réponse à l’effondrement des prix mondiaux, aura duré plusieurs mois. Cette mesure d’urgence visait initialement à stabiliser un marché en proie à la volatilité et à protéger les revenus fiscaux du pays. Mais comment la RDC compte-t-elle désormais concilier protection de ses intérêts économiques et approvisionnement régulier du marché mondial ?
La réponse réside dans le nouveau cadre réglementaire élaboré par l’ARECOMS, l’autorité de régulation des marchés des substances minérales stratégiques. L’organisme public a dévoilé les grandes lignes d’un système de quotas d’exportation sophistiqué qui remplacera l’embargo actuel. Pour le quatrième trimestre 2025, les exportations seront plafonnées à 18 125 tonnes, avec une répartition mensuelle progressive : 3 625 tonnes en octobre, puis 7 250 tonnes pour chacun des mois de novembre et décembre.
Les perspectives pour les années suivantes s’inscrivent dans une vision à moyen terme. Le volume annuel autorisé sera fixé à 96 600 tonnes pour 2026 et 2027, incluant une innovation majeure : la création d’une réserve stratégique de 9 600 tonnes gérée directement par l’ARECOMS. Cette réserve, véritable instrument de régulation, pourra être utilisée pour des projets d’intérêt national ou pour ajuster l’offre en fonction des fluctuations du marché.
La méthode d’attribution des quotas s’appuie sur une approche historique, se basant sur les volumes d’exportation des entreprises entre 2022 et 2024. Chaque acteur du secteur se verra attribuer une part proportionnelle à sa contribution passée. Cependant, cette allocation n’est pas définitive : l’ARECOMS se réserve le droit de révoquer les quotas en cas de non-respect des obligations fiscales, environnementales ou en cas de tentative de transfert des allocations à des tiers.
Le mécanisme financier accompagnant ce nouveau système mérite une attention particulière. Les entreprises devront prépayer leurs droits miniers avant chaque expédition, garantissant ainsi une meilleure collecte des recettes pour l’État. Cette mesure vise à renforcer la transparence et à limiter les pratiques d’évasion fiscale qui ont longtemps entaché la réputation du secteur minier congolais.
Une disposition particulièrement rigoureuse concerne le sort des quotas inutilisés. À compter du 1er janvier 2026, toute allocation non exploitée sera automatiquement confisquée et reversée à la réserve stratégique. Cette règle vise à éviter l’accumulation de droits d’exportation qui pourraient créer des distorsions sur le marché mondial du cobalt.
La levée du moratoire cobalt intervient dans un contexte international complexe. La demande pour ce métal stratégique, essentiel à la fabrication des batteries de véhicules électriques, connaît une croissance exponentielle. Pourtant, les prix restent volatils, tiraillés entre les besoins de la transition énergétique mondiale et les incertitudes géopolitiques. La décision congolaise de mettre en place des quotas cobalt répond à cette double exigence : sécuriser les revenus nationaux tout en assurant une certaine stabilité à l’approvisionnement global.
Cette transition vers un système de quotas représente-t-elle une menace pour les acteurs internationaux ? Les grandes entreprises minières et les principaux pays consommateurs, dont la Chine qui dépend largement des exportations congolaises, suivent ces développements avec une attention particulière. Le délai entre la fin du moratoire initial et la publication officielle des règles détaillées a créé une période d’incertitude qui a suscité des inquiétudes légitimes.
Au-delà des aspects purement économiques, cette réforme s’inscrit dans une volonté plus large de la RDC d’affirmer sa souveraineté sur ses ressources naturelles. Le pays entend désormais jouer un rôle actif dans la gouvernance mondiale des métaux critiques, passant du statut de simple fournisseur à celui d’acteur stratégique capable d’influencer les équilibres globaux.
Le modèle de régulation qui émerge pourrait faire école dans d’autres pays riches en ressources minières. En associant contrôle des volumes exportés, garantie de revenus stables pour l’État et préservation des intérêts stratégiques nationaux, la RDC invente une nouvelle façon de gérer la malédiction des ressources qui a longtemps frappé le continent africain.
Reste que le succès de cette politique dépendra de sa mise en œuvre effective. La crédibilité de l’ARECOMS, la transparence dans l’attribution des quotas et la capacité à lutter contre les trafics illicites constitueront autant de défis à relever. La communauté internationale, les investisseurs et les partenaires commerciaux observent avec intérêt cette expérience inédite de régulation d’un marché stratégique.
Article Ecrit par Amissi G
Source: https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/07/05/matieres-premieres-la-rdc-bloque-le-cobalt_6618812_3234.html?utm_source=chatgpt.com