Dans un mouvement législatif expéditif qui interroge sur les pratiques démocratiques, le Sénat congolais a validé jeudi la prorogation de l’état de siège dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu. Cette décision, prise sans débat préalable en séance plénière, soulève des questions fondamentales sur l’équilibre entre urgence sécuritaire et processus démocratique.
Le vote, obtenu à une écrasante majorité de 70 voix pour et seulement 3 abstentions sur 73 sénateurs présents, illustre la ligne politique dominante concernant la gestion sécuritaire des régions orientales de la République Démocratique du Congo. Cette approche accélérée, justifiée par l’impératif de sécurité, n’en demeure pas moins troublante dans sa méthodologie. Les parlementaires ont en effet opté pour un examen en commission, avec simple élaboration de recommandations, court-circuitant ainsi le débat public qui caractérise normalement les décisions de cette importance.
Le speaker de la Chambre haute, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, a défendu cette procédure en mettant en avant l’urgence de la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC. Selon le président du Sénat, après les éventuels amendements et l’adoption en première lecture, le projet de loi présenté par le ministre de la Justice Guillaume Ngefa sera transmis à l’Assemblée nationale pour examen et adoption définitive. Cette cascade législative rapide interroge : jusqu’où peut-on sacrifier le débat démocratique au nom de l’efficacité sécuritaire ?
La prorogation de l’état de siège, une fois validée par la Chambre basse, prendra effet par Ordonnance présidentielle pour une période supplémentaire de quinze jours. Cette mesure exceptionnelle, initialement présentée comme temporaire, s’inscrit dans la durée, posant la question de son efficacité réelle sur le terrain. Le gouvernement justifie cette extension par la persistance des groupes armés dans ces régions, mais l’absence de débat parlementaire empêche une évaluation transparente des résultats obtenus depuis la mise en place initiale de cet état de siège.
Parallèlement à cette décision sécuritaire majeure, le Sénat a procédé à la validation des mandats de quatre suppléants, dont trois remplaçant des sénateurs nommés au Gouvernement. Cette validation technique, concernant les sénateurs Arlette Bahati, Justin Kalumba, José Mpanda et le remplacement du défunt sénateur Adonis Ngabani, témoigne du renouvellement continu de l’institution sénatoriale. Cependant, ce processus administratif contraste singulièrement avec la rapidité du vote sur l’état de siège, soulevant des interrogations sur les priorités du calendrier législatif.
La stratégie du pouvoir exécutif, appuyée par une majorité parlementaire docile, semble ainsi privilégier l’action rapide au détriment du débat démocratique. Cette approche, si elle peut se justifier par l’urgence sécuritaire, n’en comporte pas moins des risques pour l’équilibre institutionnel. La répétition de ces procédures accélérées pourrait à terme normaliser une pratique législative éloignée des standards démocratiques.
Les prochains jours seront déterminants pour évaluer la position de l’Assemblée nationale face à ce texte. Acceptera-t-elle cette validation expresse ou exigera-t-elle un débat plus approfondi sur l’efficacité et les conséquences de cette prorogation de l’état de siège ? La réponse à cette question en dira long sur l’évolution des pratiques démocratiques en République Démocratique du Congo et sur la capacité du Parlement à exercer son rôle de contre-pouvoir.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: mediacongo.net