La République Démocratique du Congo se trouve à la croisée des chemins en matière de parité homme-femme. Alors que l’article 14 de la Constitution et la loi de 2015 sur les principes de la parité établissent un cadre juridique ambitieux, les résultats du cycle électoral de 2023 révèlent une implacable réalité : le principe de parité reste lettre morte dans la pratique politique congolaise.
Comment expliquer cette contradiction entre les textes et leur application ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes : seulement 7% de femmes élues à la présidence, 13% au niveau législatif national et environ 10% au niveau provincial. Ces statistiques accablantes soulèvent une question fondamentale : la RDC peut-elle véritablement se targuer d’être un État de droit lorsque ses principes constitutionnels sont systématiquement bafoués ?
C’est dans ce contexte de dissonance entre le droit et la réalité que l’Asbl Uwema, en partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert, a organisé une table ronde de haut niveau les 16 et 17 octobre 2025 à Kinshasa. L’objectif affiché : produire un cahier de charges consensuel pour l’instauration du Conseil National du Genre et de la Parité (CNGP), cette instance stratégique dont l’absence criarde explique en grande partie l’échec de la mise en œuvre effective de la parité.
La coordinatrice de l’Asbl Uwema, Chantal Mwangilwa, a pointé du doigt l’absence de cette structure étatique permanente comme le principal frein à l’avancée des femmes dans les sphères décisionnelles. « L’instauration du CNGP, comme prévu par la loi de 2015, devient l’action concrète la plus stratégique après les élections de 2023 pour déverrouiller l’application de la parité », a-t-elle martelé. Son analyse met en lumière un paradoxe congolais : comment mesurer l’impact des politiques de genre sans instrument de mesure ? Comment coordonner les actions des pouvoirs publics sans structure de coordination ?
Le CNGP se présenterait ainsi comme le baromètre institutionnel indispensable pour évaluer la représentativité des femmes dans l’ensemble des sphères de décision – politiques, économiques et culturelles. Son rôle ne se limiterait pas à la collecte et l’analyse des données, mais s’étendrait à la formulation de propositions concrètes pour surmonter les barrières socioculturelles et juridiques qui entravent l’accès des femmes aux postes électifs.
La dimension opérationnelle du futur Conseil comprendrait la conception et le pilotage de campagnes nationales de sensibilisation, la mise en œuvre de programmes de mentorat et le renforcement des capacités de la prochaine génération de femmes leaders congolaises. Cette approche qualitative vise à garantir que la parité ne soit pas seulement quantitative, mais également fondée sur l’expertise et la compétence.
Le représentant de la Fondation Friedrich Ebert en RDC a salué cette initiative, soulignant l’importance de l’engagement masculin dans la promotion de la dimension genre. Cette reconnaissance internationale confère une légitimité supplémentaire au plaidoyer pour l’instauration du CNGP.
Reste à savoir si le gouvernement congolais, confronté à de multiples défis, saura traduire en actes ces recommandations. La balle est désormais dans le camp de la ministre du Genre et de la Première ministre, destinataires du cahier de charges. L’instauration du CNGP constituerait un signal fort de la volonté politique d’ancrer la parité dans la réalité congolaise, au-delà des simples déclarations d’intention.
La question qui demeure est de savoir si la classe politique congolaise est réellement prête à partager le pouvoir avec les femmes, ou si la parité restera indéfiniment un vœu pieux constitutionnel. Les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de la démocratie congolaise et sa capacité à honorer ses engagements en matière d’égalité de genre.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd