Imaginez une mère de famille à Kinshasa qui doit choisir entre nourrir son enfant aîné ou le cadet. Ce dilemme déchirant, des milliers de Congolais le vivent au quotidien, dans un silence assourdissant. Pourtant, pendant ce temps, des tonnes de nourriture sont gaspillées chaque jour dans notre pays. Comment expliquer cette aberration qui frappe une nation aux terres si fertiles ?
C’est précisément pour répondre à cette contradiction que Mapendo Banque alimentaire a vu le jour il y a cinq ans. À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation célébrée ce 16 octobre, cette première banque alimentaire de République démocratique du Congo dresse un bilan mitigé de son action. Membre du réseau mondial Global Foodbanking Network, la structure profite de cette symbolique journée pour lancer un cri d’alarme.
« Il est temps que cette cause soit portée au plus haut niveau pour sauver des vies », insiste Régis Ngudie Mbuyi, chargé de communication de Mapendo Banque alimentaire. Derrière cette déclaration percutante se cache une réalité implacable : malgré les progrès enregistrés, l’insécurité alimentaire en RDC continue de faire des ravages. Les chiffres officiels parlent d’eux-mêmes – des millions de Congolais souffrent encore de la faim dans un pays qui dispose pourtant d’un potentiel agricole immense.
La mission de Mapendo Banque alimentaire s’articule autour de trois axes fondamentaux. D’abord, la collecte et la redistribution de denrées alimentaires auprès des populations les plus vulnérables. Ensuite, la sensibilisation contre le gaspillage alimentaire, ce fléau qui prive des familles entières de nourriture tandis que des surplus sont jetés. Enfin, le renforcement des partenariats communautaires pour créer un réseau solidaire capable de répondre aux urgences alimentaires.
Grâce Kapinga, responsable de l’administration et des finances, rappelle l’urgence de la situation : « Notre action ne se limite pas à distribuer de la nourriture. Il s’agit de construire une chaîne de solidarité durable, de sensibiliser les acteurs économiques et les citoyens à l’importance de ne rien jeter, et de créer des ponts entre ceux qui ont trop et ceux qui n’ont pas assez. »
Le thème choisi pour cette Journée mondiale de l’alimentation, « Ensemble, nourrissons la vie et préservons nos sources », résonne particulièrement en RDC. Dans un contexte où les défis sécuritaires dans l’Est du pays compromettent la production agricole, où l’inflation grève le pouvoir d’achat des ménages, et où les changements climatiques affectent les récoltes, la question alimentaire devient un enjeu de stabilité nationale.
Mapendo Banque alimentaire envisage d’étendre ses activités dans d’autres provinces, consciente que l’insécurité alimentaire ne connaît pas de frontières régionales. Mais cette expansion nécessite des moyens supplémentaires et un engagement plus fort des autorités. La banque alimentaire appelle à une prise de conscience collective : comment pouvons-nous accepter que des enfants grandissent mal nourris dans un pays aux ressources naturelles aussi abondantes ?
La lutte contre le gaspillage alimentaire au Congo représente un défi colossal. Chaque aliment sauvé de la poubelle, chaque don redistribué, chaque partenariat noué constitue une victoire contre la faim. Mais ces efforts restent insuffisants face à l’ampleur des besoins. Les initiatives comme celle de Mapendo Banque alimentaire démontrent pourtant qu’une autre voie est possible, plus solidaire, plus responsable.
Alors que la RDC dispose de terres arables parmi les plus étendues d’Afrique, la persistance de l’insécurité alimentaire interroge nos modèles de développement et de distribution. Les solutions existent, les bonnes volontés aussi. Reste à transformer l’essai, à faire de la sécurité alimentaire une véritable priorité nationale. Le combat de Mapendo Banque alimentaire nous rappelle une évidence : nourrir son peuple devrait être la première des souverainetés.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net