La récente appréciation du franc congolais, qui s’échange désormais à 2 300 FC contre le dollar américain au lieu de 2 800 FC précédemment, crée un paradoxe économique inquiétant dans la ville de Beni, au Nord-Kivu. Alors que la monnaie nationale gagne théoriquement en valeur, les consommateurs constatent avec amertume que cette amélioration monétaire ne se traduit pas dans les rayons des commerces.
Comment expliquer ce décalage entre les indicateurs macroéconomiques et la réalité des ménages ? La réponse se trouve dans les mécanismes complexes qui régissent l’économie informelle et les habitudes commerciales profondément ancrées. De nombreux commerçants, qui pratiquaient jusqu’alors leurs transactions en dollars américains, affichent désormais leurs prix en francs congolais, mais maintiennent des niveaux de tarification qui ne reflètent pas la nouvelle parité monétaire.
Le cas du kilo de viande illustre parfaitement cette distorsion : alors que le dollar a perdu près de 18% de sa valeur face au franc congolais, le prix d’un kilogramme de viande reste bloqué entre 15 000 et 18 000 FC, exactement comme lorsque le dollar valait 28 000 à 29 000 FC. Cette stagnation des prix dans un contexte d’appréciation monétaire équivaut à une augmentation réelle du coût de la vie pour des populations déjà vulnérables.
Quelles sont les conséquences concrètes de cette situation sur le pouvoir d’achat des habitants de Beni ? Les ménages, déjà fragilisés par l’insécurité persistante dans la région, voient leur capacité à acquérir les produits de première nécessité se réduire comme peau de chagrin. Cette érosion silencieuse du niveau de vie provoque un désarroi croissant dans une population qui espérait bénéficier des effets positifs du renforcement du franc congolais.
Face à cette préoccupante réalité économique, les autorités locales sont passées à l’action. Le commissaire supérieur principal Jacob Nyofondo-te-Kodale a rappelé avec fermeté aux opérateurs économiques l’obligation de respecter le taux de change officiel fixé par la Banque centrale du Congo. Cette intervention régulatoire s’accompagne d’une interdiction stricte des taux parallèles et d’une exigence d’affichage clair des prix en francs congolais dans tous les points de vente.
Cette mesure de régulation vise à protéger le pouvoir d’achat des citoyens et à stabiliser l’économie locale, mais son application effective constituera le véritable test. L’économie du Nord-Kivu, particulièrement sensible aux fluctuations monétaires, nécessite une approche équilibrée qui prenne en compte à la fois les impératifs des commerçants et la protection des consommateurs.
La situation à Beni soulève une question fondamentale : comment garantir que les bénéfices d’une appréciation monétaire se répercutent effectivement sur les prix à la consommation ? L’écart observé entre l’évolution du taux de change dollar RDC et la stabilité des prix des produits manufacturés interroge sur l’efficacité des mécanismes de transmission dans l’économie congolaise.
À plus long terme, cette situation pourrait avoir des implications significatives sur la confiance des populations dans la monnaie nationale et sur la crédibilité des politiques monétaires. La persistance de ce décalage risque d’entraver les efforts de stabilisation économique et de compromettre les perspectives de développement dans la région.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net