La récente appréciation du franc congolais, qui affiche une progression notable face au dollar américain, ne se traduit malheureusement pas par un soulagement concret pour les ménages de Beni. Alors que le taux de change officiel s’établit désormais autour de 2 300 FC pour un dollar américain – contre près de 2 800 FC précédemment – les prix des produits de première nécessité demeurent obstinément élevés, creusant davantage le fossé entre les indicateurs macroéconomiques et la réalité du panier de la ménagère.
Comment expliquer cette dissonance entre l’appréciation franc congolais et la stagnation des prix produits Beni ? Les mécanismes économiques habituels semblent grippés dans cette région du Nord-Kivu, où l’insécurité persistante et les difficultés d’approvisionnement créent un environnement défavorable à la transmission des effets positifs du taux change RDC. Les commerçants, bien qu’affichant désormais majoritairement leurs prix en monnaie locale, maintiennent des niveaux tarifaires calqués sur l’ancienne parité dollar, créant une situation de rente artificielle au détriment des consommateurs.
Le pouvoir d’achat Nord-Kivu subit ainsi une érosion préoccupante. Les ménages, déjà fragilisés par le contexte sécuritaire volatile, voient leur capacité d’acquisition se réduire comme peau de chagrin. Un kilo de viande qui coûtait entre 15 000 et 18 000 FC lorsque le dollar s’échangeait à 28 000-29 000 FC conserve exactement le même prix malgré la dépréciation de près de 20% de la devise américaine. Cette inertie des prix touche l’ensemble des produits manufacturés et alimentaires, créant un véritable casse-tête pour les familles qui doivent composer avec des budgets de plus en plus serrés.
Face à cette situation jugée intenable par la population, les autorités locales sont passées à l’action. Le maire de Beni, Jacob Nyofondo-te-Kodale, a rappelé avec fermeté aux opérateurs économiques leur obligation de se conformer au taux de change officiel fixé par la Banque centrale du Congo. Cette intervention régulatrice s’accompagne d’une interdiction formelle des taux parallèles et d’une exigence d’affichage clair des prix en francs congolais dans tous les points de vente.
Mais cette mesure suffira-t-elle à rétablir l’équilibre dans l’économie Beni ? Les défis restent considérables. L’absence de mécanismes de contrôle effectifs, combinée à la persistance des facteurs structurels défavorables (insécurité, enclavement, faible production locale), limite l’impact des décisions administratives. La résistance des commerçants à ajuster leurs marges, compréhensible dans un contexte de risques accrus, mais préjudiciable à l’ensemble de la collectivité, illustre les tensions inhérentes à la gestion économique en période de crise.
À plus long terme, la stabilisation durable du pouvoir d’achat Nord-Kivu passera nécessairement par une approche multidimensionnelle. Le renforcement de la sécurité, l’amélioration des infrastructures de transport, le développement de la production locale et la mise en place de mécanismes de régulation efficaces constituent autant de leviers indispensables pour permettre à la population de bénéficier pleinement des avantages de l’appréciation franc congolais. Sans cette vision globale, les fluctuations du taux change RDC risquent de rester lettre morte pour des ménages confrontés à l’urgence du quotidien.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net
