Dans la province du Tanganyika, une crise humanitaire silencieuse continue de faire des ravages. L’Hôpital général de référence de Nyunzu (HGRN) a enregistré depuis janvier plus de 80 cas de violences sexuelles, principalement liées aux tensions ethniques persistantes entre communautés Twa et Bantous. Ces chiffres alarmants révèlent l’ampleur des traumatismes vécus par les femmes dans cette région en proie à l’instabilité.
Le Dr Paulin Munganga, Médecin-Directeur a.i. de l’établissement, souligne l’importance cruciale de l’appui du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) dans la prise en charge de ces victimes. « Grâce au projet de Réponse Rapide (UniRR), financé par BHA et ECHO, nous pouvons offrir une assistance holistique aux survivantes », explique-t-il. Mais comment une telle prise en charge se concrétise-t-elle sur le terrain ?
Au-delà des violences sexuelles, un autre fléau guette les enfants de la région : la malnutrition. Dans cette zone post-conflit où la précarité alimentaire est omniprésente, l’UNICEF intervient à travers des ONG partenaires comme FEDEM pour distribuer du Plumpy’Nut et d’autres intrants nutritionnels salvateurs. Les résultats sont tangibles : plus de 70% des enfants traités ont connu une guérison complète au cours des trois derniers mois.
« Nous sommes dans une situation où la malnutrition est dominante sur certains axes », confirme le Dr Munganga. « L’appui comprend non seulement les soins nutritionnels mais aussi la restauration et le transport des enfants venant des zones reculées ». Un dispositif essentiel lorsque l’on sait que la distance représente souvent un obstacle insurmontable pour les familles démunies.
Le mécanisme de référencement des cas de malnutrition repose sur un réseau de relais communautaires déployés par l’UNICEF dans les 25 aires de santé de Nyunzu. Ces acteurs de proximité jouent un rôle déterminant dans le dépistage précoce et l’orientation des enfants vers les structures de soins.
L’appui de l’UNICEF à l’HGRN va bien au-delà de la prise en charge nutritionnelle. L’agence onusienne a équipé l’hôpital d’un bloc opératoire moderne doté de lampes scialytiques et de concentrateurs d’oxygène, sans oublier les lits d’hospitalisation, matelas et couveuses qui améliorent considérablement les conditions d’accueil des patients. « La prise en charge s’est nettement améliorée », se réjouit le médecin-directeur.
Dans le Centre de santé de Mangala, l’infirmier titulaire Joseph Manda témoigne des avancées similaires. « L’UNICEF nous a fourni du matériel pour la maternité et soutient plusieurs ONG pour l’accompagnement des enfants malnutris et la sensibilisation à la vaccination ». Une approche intégrée qui montre son efficacité sur le terrain.
La prévention des maladies liées à l’insalubrité constitue un autre volet essentiel de l’intervention. Le projet FDAL (Fin de la défécation à l’air libre) mené dans les 25 aires de santé de Nyunzu vise à enrayer la propagation de maladies comme la typhoïde. La construction d’installations hygiéniques pour une centaine de familles représente une avancée significative dans cette lutte contre les conditions sanitaires précaires.
Au village Mufwa, un relais communautaire installé par l’UNICEF prend en charge les soins de santé primaire d’urgence pour les enfants de moins de cinq ans. Elise Milambwe, infirmière sur place, reçoit plus de dix enfants malades par jour. « Nous faisons face à des difficultés, notamment la rupture de stock de médicaments et le manque de mobilier », reconnaît-elle, tout en saluant le dispositif mis en place.
La participation communautaire s’organise autour des Cellules d’animation communautaire (CAC), dont le président Doudou Lwamba souligne l’importance du travail de sensibilisation. « Notre action ne se limite pas aux soins mais inclut le respect du calendrier vaccinal et les principes du vivre-ensemble ». Grâce aux formations dispensées par l’UNICEF sur le dépistage de la malnutrition, ces relais communautaires deviennent des acteurs clés de la réponse sanitaire.
Le projet UniRR soutient également des activités génératrices de revenus, offrant ainsi une perspective de développement durable à des communautés meurtries par les conflits. Cette approche multidimensionnelle montre que la reconstruction passe autant par la santé que par l’économie locale.
Face à l’ampleur des besoins dans le Tanganyika, la réponse coordonnée de l’UNICEF et de ses partenaires démontre qu’une action ciblée peut produire des résultats concrets. Cependant, la persistance des violences sexuelles à Nyunzu et la prévalence de la malnutrition infantile rappellent que la route vers une stabilisation complète reste longue. La communauté internationale doit-elle intensifier son soutien ? Les autorités congolaises sont-elles suffisamment impliquées dans la recherche de solutions durables ? Autant de questions qui restent en suspens alors que les populations continuent de payer le prix fort d’une crise aux racines complexes.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net