Dans la chaleur étouffante de Kananga, province du Kasaï-Central, un geste aussi simple que se laver les mains devient un véritable parcours du combattant. La pénurie d’eau potable qui frappe la commune de Nganza depuis plus d’une décennie transforme le quotidien des habitants en une quête permanente de cette ressource vitale.
« La REGIDESO ne nous a pas envoyé l’eau depuis 12 ou 15 ans », témoigne Martin Tshipamba, sexagénaire résidant à Salongo Muimba. Sa voix porte l’usure des années passées à chercher chaque jour de l’eau, souvent de qualité douteuse, dans des puits et forages improvisés. Comment une ville peut-elle fonctionner sans accès à l’eau courante ? La question hante les esprits dans cette région pourtant riche en potentialités.
La situation atteint son paroxysme dans le domaine de la santé. Le centre de santé Salongo Muimba, doté d’un bâtiment moderne construit en 2024 grâce au Fonds social, ne dispose que d’un simple bidon d’eau de quelques litres pour l’ensemble de ses activités médicales. Raphaël Ntumba Kayenga, infirmier titulaire, ne cache pas son inquiétude : « La situation de l’eau potable est vraiment critique. Je voudrais lancer un message aux autorités, non seulement pour l’eau potable, mais aussi pour l’eau destinée aux mamans qui accouchent ».
L’absence d’eau potable dans un centre de santé représente un danger immédiat pour les patients et le personnel soignant. Comment assurer des conditions d’hygiène minimales lors des accouchements ? Comment stériliser le matériel médical ? Comment simplement se laver les mains entre deux consultations ? Ces questions, qui devraient être rhétoriques dans tout établissement de santé, deviennent ici des préoccupations quotidiennes.
La crise de l’eau à Kananga dépasse largement le cadre du simple inconfort. Elle met en lumière les défaillances structurelles dans la gestion des services publics de base. La REGIDESO, entreprise publique chargée de la distribution d’eau, semble absente du paysage depuis des années. Plusieurs tentatives de contact avec sa direction provinciale sont restées vaines, laissant les habitants sans explication ni perspective de solution.
Les conséquences de cette pénurie prolongée sont multiples et graves. Les maladies hydriques connaissent une recrudescence alarmante, particulièrement chez les enfants. Les femmes, traditionnellement chargées de la corvée d’eau, voient leur temps et leur énergie accaparés par cette recherche épuisante. L’économie locale souffre également, car comment développer des activités commerciales ou artisanales sans accès fiable à l’eau ?
La journée mondiale du lavage des mains, célébrée le 15 octobre, a cruellement mis en lumière le paradoxe congolais : comment promouvoir des gestes d’hygiène essentiels quand l’accès à l’eau potable relève du miracle ? Cette situation interpelle non seulement les autorités locales mais aussi l’ensemble des acteurs du développement. Jusqu’à quand les habitants de Kananga devront-ils continuer à boire une eau dont la qualité n’est pas garantie ?
La problématique de l’accès à l’eau potable en RDC dépasse le seul cas de Kananga. Elle révèle les inégalités territoriales et les défis de gouvernance auxquels fait face le pays. Pendant que certaines zones urbaines bénéficient d’un service relativement acceptable, des villes entières comme Kananga sont abandonnées à leur sort.
Les solutions existent pourtant. La réhabilitation des infrastructures existantes, le développement de forages sécurisés, la mise en place de systèmes de purification d’eau pourraient apporter des réponses concrètes à cette crise. Mais sans volonté politique affirmée et sans investissements conséquents, la situation risque de perdurer, au détriment de la santé et du bien-être des populations.
En attendant, les habitants de Nganza continuent leur lutte quotidienne pour s’approvisionner en eau. Leur résilience force l’admiration, mais elle ne devrait pas être nécessaire. L’accès à l’eau potable étant reconnu comme un droit fondamental par les Nations Unies, sa privation prolongée constitue une violation des droits humains les plus élémentaires. Quand les autorités prendront-elles enfin la mesure de cette urgence humanitaire ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net