Comment reconstruire un système éducatif dévasté par des années de conflits intercommunautaires ? La réponse se trouve peut-être dans le territoire de Nyunzu, où le projet de Réponse Rapide (UniRR) de l’UNICEF a littéralement redessiné le paysage scolaire au cours de la dernière décennie.
Quatorze établissements scolaires ont vu le jour en l’espace de douze ans dans cette région de la province du Tanganyika, selon les chiffres officiels dévoilés par Ernest Muamba, directeur de la sous-province éducationnelle Nyunzu 1. Une réalisation d’autant plus remarquable qu’elle s’inscrit dans un contexte post-conflit particulièrement fragile.
« Nous gardons un bon souvenir de ce que l’UNICEF a fait ici à Nyunzu », confie le responsable éducatif, visiblement ému par les transformations observées. Les campagnes de sensibilisation ont favorisé la cohabitation pacifique entre les communautés Twa et Bantous, autrefois en proie à des violences récurrentes. Aujourd’hui, les enfants des différentes communautés « vivent et mangent ensemble » dans ces nouvelles infrastructures, symboles d’une réconciliation concrète.
Le projet ne s’est pas limité à la simple construction d’écoles. Dans le cadre du programme « Can not Wait », l’Armée du Salut a complété ce dispositif par la construction de 137 latrines et l’aménagement de 5 puits de forage. Des améliorations sanitaires cruciales qui participent à la qualité globale de l’environnement éducatif. Les élèves ont également bénéficié de distributions régulières de fournitures scolaires, levant ainsi un obstacle matériel souvent déterminant dans l’abandon scolaire.
Sur le terrain, les transformations sont palpables. Brigitte Sagali, directrice de l’École primaire Katombe 2, témoigne des progrès accomplis : « Auparavant, avec des bâtiments en chaume, nous étions obligés de libérer les enfants à chaque pluie. Aujourd’hui, ils poursuivent les cours même lors des pluies diluviennes. C’est une véritable amélioration. » Son établissement compte désormais 408 élèves, dont 110 filles, même si des défis persistent concernant la disponibilité de kits hygiéniques pour ces dernières.
Au-delà des infrastructures, le projet de construction écoles Nyunzu intègre une dimension sociale essentielle. L’UNICEF a mis en place des espaces temporaires d’apprentissage et déployé des programmes de maintien scolaire, contrant ainsi les risques de déscolarisation, notamment ceux liés aux mariages précoces encore observés dans certaines communautés Twa.
La formation professionnelle constitue l’autre pilier de cette intervention d’envergure. Joseph Kyungu, jeune bénéficiaire d’une formation en mécanique automobile à l’Institut National pour la Formation Professionnelle (INPP), illustre cette approche holistique. « L’ONG APSI nous avait recrutés comme enfants vulnérables après le conflit, et nous a référés à l’INPP. Là-bas, on nous a dit que nous faisions partie du programme d’appui de l’UNICEF pour l’autonomisation des enfants sortis des conflits », raconte-t-il.
Cette initiative de formation professionnelle enfants conflits répond à un besoin criant de réinsertion pour les jeunes affectés par les violences intercommunautaires. Elle s’inscrit dans le programme Uvise, conçu pour garantir l’accès à des services de protection de qualité aux populations les plus vulnérables.
Du côté des parents d’élèves, le satisfecit est général, même si les défis restent nombreux. Aimé Muamba, président territorial de l’Association des parents d’élèves du Congo (ANAPECO), salue l’augmentation significative des effectifs scolaires, attribuée en grande partie à la gratuité de l’éducation de base. Cependant, il alerte sur les problèmes de surpeuplement qui commencent à apparaître : « Nous demandons à l’UNICEF de multiplier le nombre d’enfants bénéficiaires afin que tous puissent étudier dans de bonnes conditions. »
Le projet Réponse Rapide dans la province Tanganyika démontre qu’avec des interventions ciblées et durables, il est possible de reconstruire un système éducatif même dans des zones marquées par des conflits prolongés. Les 14 écoles construites représentent bien plus que des bâtiments : ce sont des symboles d’espoir, des lieux de reconciliation et des incubateurs d’avenir pour une génération qui a connu la violence.
Mais jusqu’où peut-on étendre ce modèle ? La question se pose alors que les besoins en éducation province Tanganyika restent immenses. Les réussites de Nyunzu ouvrent la voie à une réflexion plus large sur la reconstruction éducative dans les zones post-conflit, montrant que l’investissement dans l’éducation peut être un puissant levier de pacification et de développement durable.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net