Quatre mois d’angoisse et d’incertitude ont finalement conduit la famille du journaliste Patient Murhula Ciza à prendre la douloureuse décision d’entamer son deuil. Porté disparu depuis le 3 juin 2025 à Goma, le reporter de la radio Alpha Omega (RAO FM) n’a jamais donné signe de vie après cette date fatidique.
L’inquiétude avait grandi progressivement parmi ses proches. Ses voisins du quartier Ndosho, dans la commune de Goma, avaient été les premiers à remarquer son absence inhabituelle. L’homme, qui avait l’habitude de saluer tout le monde autour de sa maison louée, avait brusquement cessé toute activité.
La découverte faite à son domicile a amplifié les craintes. Tous ses effets personnels étaient restés intacts : vêtements, documents et autres biens soigneusement rangés. Aucun signe de lutte, de départ précipité ou de mise en scène n’a été relevé par la famille venue enquêter. Une disparition totale, sans laisser de traces apparentes.
Les recherches menées par la famille et les collègues de la radio Alpha Omega sont restées vaines pendant des semaines. Aucun indice concret, aucun appel de ravisseurs, aucune revendication n’est venue éclairer cette énigme douloureuse. Les autorités locales semblaient également impuissantes face à cette situation.
La révélation choquante est finalement venue la semaine dernière par un canal inattendu. Un ancien camarade d’université de son frère Freddy Kulondwa, récemment enrôlé dans la rébellion de l’AFC/M23, a transmis un message en swahili confirmant le pire : « ton frère est mort à Rumangabo ». Le message, laconique, ne précisait ni la date exacte ni les circonstances du décès.
Cette information, bien que non officiellement confirmée, a brisé les derniers espoirs de la famille. Comment un journaliste établi à Goma a-t-il pu se retrouver à Rumangabo, bastion du M23 dans le territoire de Rutshuru ? La question reste sans réponse, tout comme les conditions exactes de sa mort.
Les cérémonies de deuil se tiennent actuellement à Bukavu, ville d’origine du journaliste, où réside une partie de sa famille. Une douleur amplifiée par l’absence du corps, qui prive les proches de la possibilité d’un dernier adieu digne.
Ce tragique événement s’inscrit dans une série inquiétante de violences contre les journalistes dans l’est de la République démocratique du Congo. La résurgence du conflit entre les Forces armées congolaises (FARDC) et le mouvement rebelle AFC/M23 a créé un environnement particulièrement dangereux pour les professionnels des médias.
Le cas de Yoshua Kambere Machozi, journaliste à la radio communautaire Mpeti, avait déjà alerté la communauté médiatique. Enlevé par les rebelles de l’AFC/M23, il avait été détenu pendant huit jours avant que son corps en décomposition ne soit retrouvé au bord d’une rivière dans le village de Katobi.
Plus récemment, le meurtre de Fiston Wilondja Mukamba, journaliste basé à Bukavu, a encore endeuillé la profession. Son corps ligoté, portant des traces évidentes de violences, avait été découvert près du marché Nguba dans la commune d’Ibanda.
La sécurité des médias en RDC devient-elle un enjeu secondaire face à l’escalade des violences ? Les autorités congolaises sont-elles incapables de protéger ceux qui informent la population ? Ces questions cruciales restent en suspens tandis que les familles des journalistes disparus ou assassinés continuent de chercher des réponses et de la justice.
La disparition de Patient Murhula Ciza souligne une fois de plus l’extrême vulnérabilité des journalistes travaillant dans les zones de conflit au Nord-Kivu. Entre menaces directes et pressions indirectes, l’exercice du journalisme dans cette région relève souvent du parcours du combattant.
Les organisations de défense des droits des journalistes appellent régulièrement à une meilleure protection des professionnels des médias et à des enquêtes approfondies sur chaque cas de disparition ou d’assassinat. Mais sur le terrain, la réalité reste amère pour ceux qui risquent leur vie pour informer.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd