Dans la province du Tanganyika, considérée comme l’épicentre du choléra en République Démocratique du Congo, une bataille cruciale se joue quotidiennement contre cette maladie hydrique qui a déjà causé 102 décès depuis le début de l’année. Comment une simple station de pompage d’eau peut-elle devenir une arme décisive contre cette épidémie ? La réponse se trouve dans les actions concrètes déployées par l’UNICEF à travers son programme de surveillance, d’investigation et de réponse au choléra (CATI).
À Kalemie, plus précisément dans le quartier Katambwa de la commune Lac, une révolution silencieuse est en marche. Grâce à une station de pompage d’eau chlorée installée avec le soutien de la Croix-Rouge de la RDC, plus de 1 000 familles reçoivent quotidiennement de l’eau potable gratuitement. Cette initiative représente une bouée de sauvetage pour des populations qui, jusqu’à récemment, devaient affronter des dangers multiples en puisant l’eau à la rivière Lukuga.
« Dans ce quartier, l’accès à l’eau potable était extrêmement difficile », témoigne Thérèse Amunazo, une bénéficiaire d’environ soixante ans. « Nous allions puiser de l’eau à la rivière Lukuga où plusieurs personnes se sont noyées. Cette eau potable nous protège maintenant contre diverses maladies dont le choléra ». Son témoignage illustre l’impact direct de ce projet sur la vie des habitants, démontrant comment l’accès à l’eau salubre peut transformer une communauté entière.
Mais comment fonctionne exactement cette micro-usine qui produit entre 60 et 80 mètres cubes d’eau potable par jour ? Christophe Kafindo, chef du programme CATI, explique le mécanisme : « Ce quartier était pourvoyeur de cas de choléra. Nous avons identifié que l’eau impropre en était la cause principale. La solution consistait à installer une usine de pompage fonctionnant avec une motopompe au niveau de la rivière Lukuga. L’eau est traitée au chlore et devient immédiatement propre à la consommation ».
Au-delà de cette réponse immédiate, l’UNICEF déploie une stratégie de prévention ambitieuse qui inclut la production locale de chlore liquide. L’Association Mama Uzima de Kalemie (AMUKA), soutenue par l’agence onusienne, produit environ 2 000 bouteilles de 250 ml de chlore liquide par jour. Ce produit, dont la qualité a été validée par l’Office congolais de contrôle, permet aux ménages de traiter eux-mêmes leur eau de consommation.
« La rivière Lukuga constitue un réservoir de vibrions cholériques », alerte Félix Mbaluku, administrateur d’AMUKA. « Notre chlore liquide Uzima offre une protection accessible à la communauté contre cette menace invisible ». Cette approche combine ainsi solution collective et responsabilisation individuelle, créant un bouclier sanitaire à plusieurs niveaux.
La sensibilisation représente le troisième pilier de cette stratégie intégrée. Des cellules d’animation communautaires parcourent les quartiers pour expliquer l’importance de l’utilisation du chlore. Dans les écoles, les U-Reporters de l’UNICEF forment les élèves aux bonnes pratiques d’hygiène. « Cette initiative est cruciale pour protéger nos enfants », souligne Israël Musole, directeur de l’école primaire Wamunda dans la commune de Lukuga.
Le dispositif s’enrichit également de la distribution de kits choléra comprenant du chlore, des aquatabs, des sérums oraux et des seaux. Les volontaires de la Croix-Rouge accompagnent les ménages dans l’utilisation correcte de ces produits, créant ainsi un maillage protecteur autour des familles les plus vulnérables.
Mais face à l’ampleur de l’épidémie – 5 745 cas enregistrés depuis janvier dans la province, avec le territoire de Nyemba comme zone la plus touchée – ces actions suffiront-elles ? Clovis Kamathe, point focal choléra au sein du projet CATI à l’UNICEF, reconnaît la nécessité de solutions durables : « Nous menons des actions de plaidoyer pour que les autorités provinciales adoptent des mesures pérennes, comme l’installation d’un site de chloration ou même d’une usine de la REGIDESO pour approvisionner la communauté à grande échelle ».
La position géographique du Tanganyika, entre la rivière Lukuga et le lac Tanganyika, en fait une zone particulièrement vulnérable aux épidémies de choléra. Cette réalité exige une réponse à la hauteur des enjeux, combinant intervention d’urgence et vision à long terme. L’approche CATI de l’UNICEF, soutenue par des partenaires comme le Bureau d’assistance humanitaire des États-Unis et ECHO, représente un modèle prometteur qui pourrait inspirer d’autres régions confrontées à des défis similaires.
Alors que la bataille contre le choléra au Tanganyika continue, chaque jour sans nouvelle infection représente une victoire. Chaque famille ayant accès à l’eau potable symbolise un pas de plus vers l’éradication de cette maladie évitable. La route reste longue, mais les solutions existent et portent déjà leurs fruits dans les communautés où elles sont déployées.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net