Dans l’ombre des murs surpeuplés de la prison urbaine de Beni, un geste humanitaire vient temporairement apaiser les cris de détresse de plus de 1600 détenus. L’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) a tendu la main vendredi 10 octobre, offrant un rayon d’espoir dans cet univers carcéral où la malnutrition fait des ravages.
« Cette assistance alimentaire arrive à point nommé », confie un détenu sous couvert d’anonymat. « Ici, la faim est notre pire geôlier. Certains jours, on se demande si on survivra jusqu’au lendemain. » Ces mots résonnent comme un cri étouffé dans cette prison du Nord-Kivu où les conditions de vie défient toute dignité humaine.
Le directeur de l’établissement, Tsongo Makelele, ne cache pas son soulagement face à ce soutien concret. Riz, semoule de maïs, huile végétale et autres denrées alimentaires composent cette précieuse cargaison qui pourrait sauver des vies. Mais derrière ce geste salutaire se cache une réalité plus amère : comment une prison conçue pour 250 détenus peut-elle en héberger 1600 ?
La réponse se trouve dans les chiffres qui donnent le vertige : un taux de surdensité carcérale de 600% transforme cet établissement en véritable poudrière humanitaire. Les recommandations formulées lors de l’atelier du 27 novembre 2024 pointaient déjà du doigt la malnutrition aiguë comme principale cause de mortalité. Aujourd’hui, l’action de l’ICCN représente une bouée de sauvetage dans un océan de besoins insatisfaits.
Mais jusqu’où peut aller la solidarité face à l’ampleur des défis ? Les conditions carcérales en RDC posent des questions fondamentales sur notre humanité collective. Comment expliquer qu’en 2024, des êtres humains meurent encore de faim derrière les barreaux ? La surpopulation des prisons congolaises n’est-elle pas le symptôme d’un système judiciaire à bout de souffle ?
Le directeur Makelele le reconnaît lui-même : « Les besoins restent énormes. » Cette modeste assistance, bien que vitale, ressemble à une goutte d’eau dans un désert de précarité. Les détenus continuent de s’entasser dans des cellules insalubres, où les maladies se propagent plus vite que l’espoir.
Cette situation interpelle toute la société congolaise. L’amélioration des conditions carcérales à Beni et ailleurs dans le pays dépasse la simple question humanitaire. Elle touche à l’essence même de notre justice et de notre conception des droits humains. Peut-on véritablement parler de réinsertion quand la survie quotidienne relève du miracle ?
L’initiative de l’ICCN ouvre cependant une brèche dans l’indifférence générale. Elle démontre que des solutions existent, que des institutions peuvent se mobiliser face à l’urgence. Mais cette action ponctuelle suffira-t-elle à enrayer l’hémorragie ? La malnutrition dans les prisons du Nord-Kivu nécessite une réponse structurelle et durable.
Alors que le soleil se couche sur la prison de Beni, une question persiste : combien de vies faudra-t-il encore perdre avant que des changements profonds ne s’opèrent ? L’assistance alimentaire apportée par l’ICCN est une lueur dans la nuit, mais elle ne doit pas rester un acte isolé. Elle doit devenir le point de départ d’une prise de conscience collective sur la nécessité de réformer en profondeur nos systèmes carcéraux.
La dignité des détenus congolais mérite plus que des solutions temporaires. Elle exige une remise en question fondamentale de notre approche de la justice et de l’humanité en milieu carcéral. Le chemin reste long, mais chaque geste de solidarité, comme celui de l’ICCN, nous rapproche un peu plus d’une justice véritablement réparatrice.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net