Le bruit de l’eau qui coule résonne désormais comme une mélodie de libération dans l’enceinte de la prison centrale de Mbuji-Mayi. Après plus d’une décennie de calvaire hydrique, les détenus peuvent enfin étancher leur soif sans devoir supplier ou se battre pour quelques gouttes précieuses. La directrice Marguerite Mbelu respire enfin : « Avant, c’était un combat quotidien pour trouver de l’eau, maintenant chacun se sert lui-même sans problème ».
Imaginez-vous privé d’eau pendant dix longues années ? Comment survivre sans cette ressource essentielle à la vie ? Cette réalité cauchemardesque était le lot quotidien des centaines de détenus de cette prison du Kasaï-Oriental. La tuyauterie vandalisée par des inciviques avait condamné l’établissement à une sécheresse forcée, transformant chaque journée en une quête épuisante pour quelques litres d’eau.
Le retour de l’eau potable dans cette prison centrale marque bien plus qu’une simple amélioration technique. C’est une révolution humanitaire pour ces hommes oubliés. « On achetait 60 bidons par jour uniquement pour préparer la nourriture », se souvient la directrice Mbelu, la voix encore chargée d’émotion. Le coût financier était astronomique, mais le coût humain bien plus élevé encore.
Pendant ces années de vaches maigres, la MONUSCO avait tenté d’apporter une solution temporaire avec ses camions-citernes. Mais le départ de la mission onusienne avait sonné le retour du cauchemar hydrique. Les détenus devaient-ils se résigner à boire de l’eau insalubre ? À se laver une fois par semaine ? À voir leur dignité s’éroder jour après jour ?
La connexion au réseau de la REGIDESO il y a trois semaines représente donc un tournant historique. Un simple robinet installé le long de la route devient le symbole d’une humanité retrouvée. L’eau coule désormais régulièrement, permettant non seulement de préparer les repas mais aussi d’assurer l’hygiène de base et l’hydratation essentielle.
Mais cette avancée pose des questions plus larges sur les conditions carcérales en RDC. Combien d’autres établissements souffrent-ils de carences similaires ? Comment justifier que des êtres humains soient privés d’un droit aussi fondamental que l’accès à l’eau potable ? La situation de Mbuji-Mayi n’est malheureusement pas une exception dans le paysage carcéral congolais.
Le calvaire hydrique de la prison centrale de Mbuji-Mayi révèle les failles d’un système qui peine à garantir les droits les plus élémentaires aux détenus. Si l’eau coule enfin, le chemin vers des conditions de détention dignes reste long. Cette avancée doit servir de catalyseur pour des réformes plus profondes dans toutes les prisons de la République Démocratique du Congo.
La question demeure : cette solution est-elle durable ? Le réseau de distribution d’eau résistera-t-il aux défis techniques et financiers ? L’État congolais saura-t-il prendre le relais pour garantir la pérennité de cet approvisionnement en eau potable ? Les détenus de Mbuji-Mayi, comme tous les citoyens, méritent des réponses concrètes et des actions durables.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net