Un drame scolaire vient de secouer la communauté éducative du Nord-Kivu. Comment en est-on arrivé à ce point où un geste disciplinaire se transforme en tragédie mortelle ? La question hante désormais les esprits dans le territoire de Masisi, où un élève de 17 ans a perdu la vie après avoir subi des châtiments corporels administrés par son préfet des études.
Selon plusieurs témoignages recueillis sur place, l’incident s’est produit le jeudi 9 octobre aux environs de 10 heures. Un groupe d’élèves de l’Institut Philadelphie, situé dans la localité de Kalinga, aurait tenté de sécher les cours. Interceptés par le préfet des études, ces élèves ont été soumis à une punition publique devant leurs camarades de classe.
Mais ce qui devait être une simple mesure disciplinaire a tourné au drame. Tuishi Bonane, élève en septième année, n’a pas supporté la douleur infligée. Rapidement conduit à l’hôpital général de référence de Masisi, le jeune homme de 17 ans est décédé quelques heures plus tard des suites de ses blessures, laissant toute une communauté sous le choc.
Le préfet des études, M. Claude Kitsa, reconnaît les faits tout en cherchant à les relativiser. « J’étais à mon bureau. J’ai vu de loin cinq élèves qui voulaient sécher les cours. Je suis parti les ramener. J’ai administré à chacun deux coups de bâton dans leurs salles de classe », explique-t-il. Et d’ajouter : « L’incident est arrivé, mais pas de ma propre volonté. Sinon, l’école n’est pas un lieu de châtiments corporels pouvant causer la mort de l’enfant. »
Depuis l’après-midi du drame, le chef d’établissement serait en fuite, sa destination demeurant inconnue. Cette disparition soulève de nombreuses interrogations sur la responsabilité des acteurs éducatifs dans la gestion disciplinaire des élèves.
La société civile locale, ainsi que l’ancien conseil du Parlement d’Enfant, dénoncent avec vigueur cet acte qu’ils qualifient d’« inacceptable » et « anormal ». Un acteur de la société civile interpelle les autorités : « J’appelle les autorités éducatives et judiciaires à prendre des mesures concrètes pour éradiquer les châtiments corporels dans les écoles et traduire en justice les responsables de ce meurtre. »
Ce tragique événement remet en lumière la question des violences scolaires dans une région déjà éprouvée par les conflits. La RDC a pourtant signé en 2016 la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, s’engageant à protéger le droit à l’éducation, même en contexte de conflit. Mais sur le terrain, la réalité semble bien différente.
Le système éducatif congolais interdit formellement les châtiments corporels tels que les coups de fouet ou la fessée. La loi prône des sanctions non violentes à visée éducative, comme des travaux de rattrapage ou des devoirs supplémentaires. Pourquoi ces dispositions ne sont-elles pas respectées ? Comment expliquer que des pratiques aussi violentes persistent dans certains établissements ?
Le corps de Tuishi Bonane est actuellement gardé à la morgue en attendant son inhumation, tandis que la communauté éducative s’interroge sur les dérives du système disciplinaire. Ce drame soulève des questions fondamentales sur la formation des enseignants, les méthodes pédagogiques alternatives et la nécessaire évolution des mentalités.
Alors que les autorités administratives locales n’ont pas encore officiellement réagi, la pression monte pour que des mesures concrètes soient prises. La mort de cet élève pourrait-elle marquer un tournant dans la lutte contre les violences scolaires au Nord-Kivu ? Seul l’avenir nous le dira, mais une chose est certaine : le système éducatif congolais ne peut plus fermer les yeux sur ces pratiques d’un autre temps.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd