Près de deux mois après la présentation de la feuille de route par les principales confessions religieuses de la République Démocratique du Congo, le dialogue national semble pris dans les sables mouvants de l’agenda présidentiel. Le Chef de l’État Félix Tshisekedi, pourtant à l’origine de l’élargissement de cette initiative, tarde à donner le signal de départ, suscitant interrogations et suspicions dans l’arène politique congolaise.
Ce retard dans la mise en œuvre du processus de paix en RDC interpelle à plus d’un titre. Alors que l’Est du pays continue de brûler sous les assauts des groupes armés, notamment le M23 soutenu par le Rwanda, la machine diplomatique semble tourner au ralenti. Le gouvernement invoque des contraintes d’agenda, mais cette explication officielle peine à convaincre une opposition qui y voit une manœuvre délibérée.
« Pour ce qui concerne le dialogue au niveau national, il vous souviendra qu’une feuille de route a été annoncée par les différentes confessions religieuses. Le moment venu, le Président de la République qui s’est déjà montré disposé pourra communiquer son agenda », a déclaré Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, lors d’un briefing mercredi 8 octobre. Une communication qui sonne comme un aveu d’impuissance face à l’urgence de la situation.
La feuille de route élaborée par la CENCO, l’ECC et autres plateformes religieuses représente pourtant une avancée significative dans la recherche de solutions durables. Articulée autour de quatre étapes clés, elle constitue la colonne vertébrale du processus national et inclusif de paix en République Démocratique du Congo. Ce cadre ambitieux vise à jeter les bases d’un « Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble », une initiative saluée aussi bien au niveau national qu’international.
Mais le président Tshisekedi joue-t-il avec le feu en retardant la concrétisation de ce dialogue national ? Certains observateurs politiques voient dans ces atermoiements une stratégie calculée, tandis que d’autres évoquent la complexité de coordonner les multiples initiatives diplomatiques en cours. La question mérite d’être posée : ce retard ne risque-t-il pas de compromettre la crédibilité même du processus ?
Lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, Bintou Keita, Représentante spéciale du Secrétaire général en RDC, avait pourtant salué les avancées préparatoires. Pour la cheffe de la MONUSCO, l’initiative des confessions religieuses marque une étape décisive pour l’ouverture de l’espace civique et le renforcement de la cohésion nationale. Un avis qui contraste singulièrement avec la frilosité apparente des autorités congolaises.
Le timing devient crucial. Alors que les élections de 2028 approchent à grands pas, ce dialogue national représente un test décisif pour la stabilité du pays. La feuille de route des confessions religieuses pourrait effectivement créer le climat de confiance nécessaire au bon déroulement du scrutin, mais à condition d’être mise en œuvre dans des délais raisonnables.
Le président Tshisekedi se trouve ainsi face à un dilemme cornélien : accélérer le processus de dialogue au risque de devoir faire des concessions politiques majeures, ou temporiser en espérant que la situation sécuritaire s’améliore ? La réponse à cette équation politique complexe déterminera largement l’avenir de la gouvernance en RDC.
Les prochaines semaines seront déterminantes. Soit le Chef de l’État saisit la perche tendue par les confessions religieuses pour relancer dynamiquement le dialogue national en RDC, soit il assume le risque de voir cette initiative s’enliser définitivement. Dans un contexte régional volatile, où les initiatives diplomatiques internationales peinent à produire des résultats tangibles, le choix du timing n’est jamais anodin.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd
