Dans le tumulte urbain de Kinshasa, une œuvre persiste, résiste, et questionne. La fresque « Matumaini », née du troisième Kinshasa Urban Art Fest, s’est imposée comme un phare visuel sur le boulevard Lumumba, à Limete. Plus qu’une simple création esthétique, cette réalisation collective incarne le pouls d’une nation en quête de sens, un manifeste coloré qui interpelle chaque passant sur le destin commun.
Comment l’art urbain en RDC peut-il transcender sa fonction décorative pour devenir un véritable instrument de dialogue social ? La réponse se contemple sur ce mur devenu livre ouvert, où les teintes racontent les blessures et les aspirations d’un peuple. Le rouge sang évoque les violences persistantes, particulièrement dans l’Est du pays, tandis que le noir rappelle le deuil qui habite de nombreuses familles. Le gris, cette couleur de l’incertitude, dialogue avec le blanc pur de l’espérance, créant une tension visuelle qui capture toute la complexité de l’âme congolaise contemporaine.
Le street art à Kinshasa connaît avec le KUAF3 une mutation significative. Ce festival a su transformer l’espace public en galerie à ciel ouvert, faisant de la ville un musée vivant où s’exprime la créativité citoyenne. Durant une semaine intense, du 13 au 20 septembre, la capitale a vibré au rythme des performances artistiques, des ateliers participatifs et des débats enrichissants. L’art urbain en RDC dépasse ainsi le simple geste artistique pour devenir un acte politique, une manière de reconquérir l’espace public et d’y inscrire une parole collective.
La fresque Matumaini fonctionne comme un miroir tendu à la société congolaise. Chaque couleur, chaque courbe, chaque symbole invite à la réflexion et à la remémoration. Les artistes ont-ils réussi leur pari de créer une œuvre qui soit à la fois mémoire et projection ? À voir les groupes qui s’attardent devant cette création, discutant, photographiant, partageant leurs interprétations, la réponse semble positive. Cette œuvre devient ainsi le catalyseur d’une conversation nationale nécessaire.
Dans un contexte où les divisions sociales et politiques menacent parfois la cohésion nationale, le KUAF3 et sa fresque phare offrent un contrepoint puissant. Ils rappellent que l’art peut être ce lieu où les différences s’estompent au profit d’une vision commune. La culture urbaine congolaise, à travers des initiatives comme le Kinshasa Urban Art Fest, affirme sa maturité et sa capacité à porter des messages universels.
La persistance de cette œuvre dans le paysage kinésien pose une question fondamentale : l’art peut-il vraiment changer le monde ? Sans prétendre apporter une réponse définitive, la fresque Matumaini démontre en tout cas sa capacité à transformer notre regard sur le monde. Elle nous invite à ne pas baisser les bras, à croire en la possibilité d’un avenir meilleur, et à travailler collectivement à sa réalisation.
Alors que le rideau est tombé sur cette troisième édition du festival, l’esprit du KUAF3 continue de vivre à travers cette création qui défie le temps et l’indifférence. La fresque Matumaini reste là, sur son mur de Limete, attendant le regard des passants, ready à engager le dialogue, à susciter l’émotion, à provoquer la réflexion. Elle témoigne de la vitalité de la scène artistique congolaise et de sa capacité à s’emparer des enjeux contemporains avec sensibilité et intelligence.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd