Dans l’intimité feutrée de la Maison d’Aide Sociale de l’ASBL Afia Mama à Kinshasa, des regards se croisent, chargés d’une douleur muette et d’un courage indéfectible. La visite de Son Altesse Royale Sophie, Duchesse d’Édimbourg, début octobre, a mis en lumière le combat quotidien de femmes congolaises survivantes de violences sexuelles et défenseures des droits humains déplacées.
Comment rester insensible face au récit de ces survivantes des viols de masse perpétrés lors de l’évasion de la prison de Makala ? Leurs voix, longtemps étouffées, trouvent enfin un écho au sein de ce sanctuaire que représente Afia Mama. Anny Modi, directrice exécutive de l’organisation, accueillait la Duchesse avec une émotion palpable, consciente de l’importance de cette visite pour la visibilité de leur combat.
Le Programme de protection intégrée et de résilience des défenseur·e·s des droits humains (PIR-DDH) constitue une bouée de sauvetage pour ces activistes menacées. Mais jusqu’où peut-on pousser la résilience quand les menaces persistent et que l’État reste silencieux ? La question plane dans l’air comme un reproche muet. Sécurité, assistance juridique, relogement d’urgence – autant de besoins fondamentaux qui restent partiellement satisfaits.
La suite de la visite à l’Espace Bilembo a donné une autre dimension aux échanges, dans le cadre du 25ᵉ anniversaire de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité. Des femmes activistes de paix ont partagé leur frustration face à leur exclusion persistante des processus de paix en RDC. Comment expliquer que celles qui subissent le plus durement les conséquences des conflits soient systématiquement écartées des tables de négociation ?
Le financement spécifique pour soutenir l’engagement des femmes dans la prévention et la résolution des conflits représente un enjeu crucial. Sans moyens concrets, comment espérer une participation effective ? Les défenseures des droits humains au Congo portent un double fardeau : celui de leur combat et celui de l’indifférence institutionnelle.
À l’issue de cette visite riche en émotions et en prises de conscience, Afia Mama a lancé un appel pressant aux autorités congolaises. Trois exigences fondamentales émergent : renforcer la participation des médiatrices dans les négociations locales, nationales et régionales ; appuyer structurellement les organisations féminines de la société civile ; et assurer un accompagnement global des survivantes de violences basées sur le genre.
« Ces femmes portent le poids de la guerre, mais aussi l’espoir de la paix », souligne Anny Modi, dont la voix porte une lassitude mêlée de détermination. Son constat est sans appel : les actions des femmes congolaises restent largement soutenues sans appui suffisant de l’État. La directrice d’Afia Mama appelle à un soutien structurel et durable – financement renforcé, accompagnement continu, accès effectif à la justice et meilleure protection des défenseur·e·s des droits humains.
La visite de la Duchesse d’Édimbourg en RDC aura au moins eu le mérite de rappeler une évidence trop souvent oubliée : les femmes congolaises ne sont pas seulement des victimes, mais des actrices essentielles de la paix et du développement. Leur résilience force l’admiration, mais jusqu’à quand devront-elles porter seules l’espoir d’un avenir meilleur ? La balle est désormais dans le camp des autorités congolaises, qui doivent passer des promesses aux actes concrets.
Les violences sexuelles au Congo continuent de détruire des vies, tandis que les femmes défenseures des droits humains risquent quotidiennement leur sécurité. La rencontre à Kinshasa entre la Duchesse Édimbourg et ces courageuses activistes aura mis en lumière l’urgence d’une action coordonnée et déterminée. La résolution 1325 des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité prend ici toute sa signification : sans la participation active des femmes, aucune paix durable n’est possible en RDC.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd