La session parlementaire de septembre 2025 s’ouvre sur une onde de choc politique au Kongo Central, où le président de l’Assemblée provinciale, Papy Mantezolo, se retrouve au cœur d’une tempête institutionnelle sans précédent. Une motion de défiance déposée par des députés de sa propre majorité vient remettre en question non seulement son leadership, mais la légitimité même du bureau qu’il dirige. Cette crise politique révèle-t-elle les limites du système démocratique provincial ou simplement les ambitions personnelles déguisées en combat vertueux ?
Le mardi 30 septembre 2025 restera comme une date charnière dans les annales politiques de la province. Une pétition exigeant la déchéance du président Mantezolo et de son vice-président Joseph Nsalambi a été officiellement déposée, recueillant un nombre significatif de signatures parmi les élus provinciaux. Les pétitionnaires, dont fait partie l’élu de Moanda Sisi Vimpi, dénoncent avec virulence « le désordre du bureau » et accusent ses membres de « privilégier leurs intérêts privés au détriment de l’institution ».
Au centre des accusations : le dossier sensible de l’acquisition du terrain destiné à abriter le futur siège de l’Assemblée provinciale. Les députés contestataires pointent du doigt une transaction d’un million de dollars américains, dont la gestion serait entachée d’opacité et de conflits d’intérêts. Cette affaire d’achat de terrain pour l’assemblée provinciale cristallise les tensions latentes et sert de catalyseur à une rebellion parlementaire qui couvait depuis plusieurs mois.
Face à ces attaques frontales, Papy Mantezolo a choisi la contre-offensive lors de son discours du 1er octobre. Rejetant catégoriquement les accusations portées contre sa personne, le président de l’institution provinciale a retourné l’argumentaire en suggérant que « ce n’est pas Mantezolo qu’on cherche ; ce sont leurs intérêts, ce sont les richesses de la province qui les intéressent ». Une référence transparente aux récentes découvertes de gisements de manganèse dans le territoire de Luozi, qui transforment la province en nouvel eldorado minier de la RDC.
La défense de Mantezolo s’est articulée autour d’une distinction institutionnelle cruciale : selon lui, le projet de construction du siège de l’Assemblée relève exclusivement du gouvernement provincial, non de l’institution législative. « Le contrat, le montant à payer des architectes, y compris l’achat du terrain … tout cela est de la responsabilité du gouvernement. L’Assemblée n’est que utilisateur », a-t-il martelé devant la presse, tentant ainsi de désamorcer la polémique sur la gestion du million de dollars.
Cette crise politique dépasse désormais le cadre provincial. Le Vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur, sécurité, décentralisation et affaires coutumières, Jacquemain Shabani, est intervenu personnellement en convoquant à Kinshasa l’ensemble des députés membres du bureau ainsi que les pétitionnaires. Cette médiation nationale témoigne de la gravité d’une situation qui pourrait déstabiliser l’équilibre politique régional.
La tension a atteint son paroxysme avec l’interdiction de la plénière prévue ce vendredi 3 octobre pour examiner les pétitions. Les forces de l’ordre ont barricadé les accès à l’hémicycle, créant une situation institutionnelle inédite où le débat démocratique se trouve physiquement entravé. Cette décision soulève des questions fondamentales sur l’état de la démocratie locale et la capacité des institutions à gérer pacifiquement leurs conflits internes.
La motion de défiance au Kongo Central dépasse le simple cadre d’un règlement de comptes politique. Elle révèle les profondes mutations que traverse la province, tiraillée entre ses traditions politiques et les enjeux économiques colossaux liés à l’exploitation des ressources minières. La déchéance réclamée contre Papy Mantezolo symbolise ce moment charnière où les équilibres anciens volent en éclats face aux nouvelles convoitises.
Les prochains jours seront décisifs pour l’avenir politique du Kongo Central. Les consultations dirigées par le ministre Shabani détermineront si cette crise peut trouver une issue institutionnelle ou si elle dégénèrera en affrontement durable. Une question demeure : cette pétition des députés du Kongo Central marque-t-elle l’émergence d’une nouvelle gouvernance ou simplement le recyclage des mêmes pratiques sous d’autres auspices ? La réponse se jouera autant dans les couloirs feutrés de Kinshasa que dans l’hémicycle barricadé de Matadi.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd