L’opération Ndobo, lancée en 2024 pour traquer les Kuluna à Kinshasa, montre des résultats contrastés. Si la criminalité recule globalement dans la capitale congolaise, certains quartiers comme Yolo Sud dans la commune de Kalamu vivent un paradoxe inquiétant. L’initiative sécuritaire censée protéger la population devient progressivement une source d’angoisse pour les habitants.
Comment une opération censée protéger les citoyens peut-elle devenir une source de peur ? Des jeunes résidents dénoncent des arrestations arbitraires systématiques. Leur simple apparence physique ou leur présence dans la rue suffirait à les faire cataloguer comme délinquants par les forces de l’ordre. Les abus policiers en RDC prennent ici une dimension particulièrement préoccupante.
Un étudiant de l’Académie des Beaux-Arts, interpellé pour sa coiffure afro, témoigne amèrement : « Tout jeune est présumé Kuluna dans ce quartier. Les services de sécurité sèment la terreur. Nous avons peur de sortir la nuit, non pas à cause des kuluna, mais des policiers. Même avec une pièce d’identité, ils vous envoient au cachot. » Ce récit illustre le climat de suspicion généralisée qui règne désormais à Yolo Sud.
Les arrestations nocturnes se multiplient, souvent sans mandat, selon plusieurs sources locales. La procédure suivrait un schéma récurrent : interpellation brutale, puis proposition de payer une amende pouvant atteindre 150 000 francs congolais pour éviter la détention dans des cellules déjà surpeuplées. Cette pratique questionne sérieusement la légalité des méthodes employées lors de l’opération Ndobo.
Les mères de famille ne sont pas épargnées par cette vague d’arrestations arbitraires au Congo. L’une d’elles raconte l’interpellation violente de son fils devant leur domicile : « J’ai tenté d’intervenir, mais ils m’ont braqué l’arme au visage. La police était censée nous assurer la sécurité, mais ce que nous constatons est tout à fait le contraire. » Son témoignage souligne la rupture de confiance entre la population et les forces de l’ordre.
Les femmes subissent également ces abus policiers à Kinshasa. Une riveraine décrit son interpellation à 21 heures, alors qu’elle se trouvait à quelques mètres de sa résidence, vêtue simplement d’un pagne et de babouches. « Ils m’ont intimidée, en m’interrogeant si j’étais vendeuse de stupéfiants. J’étais choquée. Certains policiers ont même des montres réglées deux heures en avance pour justifier des arrestations nocturnes précoces », révèle-t-elle, préférant garder l’anonymat par crainte de représailles.
Le paradoxe est saisissant : alors que les arrestations se multiplient, la délinquance juvénile refait surface dans le quartier. Les arrêts Ezo et l’avenue Kikwit redeviennent le théâtre de vols de sacs et de téléphones, ciblant chauffeurs et passagers. Cette résurgence du banditisme intervient malgré la présence de cinq commissariats dans ce secteur de la capitale, remettant en cause l’efficacité réelle de l’opération contre les Kuluna.
La population lance un appel urgent aux autorités urbaines. Elle réclame le déploiement d’agents mieux formés, capables de distinguer les criminels des innocents. Seule une approche plus professionnelle et respectueuse des droits pourra restaurer la confiance et la quiétude dans le quartier de Yolo Sud. Les arrestations à Kinshasa doivent suivre des procédures légales pour ne pas devenir contre-productives.
L’opération Ndobo se trouve ainsi à la croisée des chemins. Son succès à long terme dépendra de la capacité des forces de sécurité à concilier efficacité et respect des droits fondamentaux. La situation à Yolo Sud servira-t-elle de leçon pour améliorer les pratiques policières en République Démocratique du Congo ? La réponse des autorités sera déterminante pour l’avenir de la sécurité dans les quartiers kinois.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd