« Nous vivons l’enfer sur terre », témoigne Kahindo Mwavita, mère de cinq enfants, rencontrée dans un camp de déplacés à Beni. Son regard perdu traduit l’indicible. Comme des milliers d’autres, elle a tout perdu en fuyant les violences des rebelles du M23. Sa réalité quotidienne ? Un abri de fortune, la faim tenaillante et l’angoisse permanente.
La situation humanitaire dans l’Est de la République démocratique du Congo atteint des niveaux alarmants, qualifiée de « catastrophique » par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Comment en est-on arrivé à cette crise humanitaire sans précédent ? Les zones occupées par les rebelles de l’AFC/M23 au Nord et au Sud-Kivu deviennent progressivement des enfers pour les civils pris au piège des conflits armés.
Lors d’un récent déjeuner de presse à Beni, Pepe Sakouvogui, chef de bureau terrain du HCR, a tiré la sonnette d’alarme. « La prise en charge de ces populations reste un défi majeur, principalement à cause du manque criant de financement », a-t-il déploré. Les conditions d’accueil dans le Petit Nord du Nord-Kivu et certaines parties du Grand Nord atteignent des seuils critiques, tandis qu’au Sud-Kivu, la situation des réfugiés burundais devient chaque jour plus préoccupante.
Sur le terrain, la réalité dépasse souvent les descriptions officielles. Dans les camps de déplacés, les besoins fondamentaux – nourriture, eau potable, soins médicaux – ne sont que partiellement couverts. Les organisations humanitaires, débordées, tentent de maintenir une assistance minimale face à l’afflux continu de nouvelles personnes déplacées. Comment faire plus avec moins de moyens ? Cette question hante tous les acteurs humanitaires présents dans la région.
La complexité de la crise humanitaire en RDC se manifeste également dans les opérations de rapatriement. Actuellement, le HCR organise, en collaboration avec les gouvernements congolais et rwandais, le retour des réfugiés rwandais vivant en RDC vers leur pays d’origine. Cependant, une asymétrie inquiétante persiste : le retour des réfugiés congolais résidant au Rwanda vers la RDC n’a toujours pas débuté. Parallèlement, avec le gouvernement burundais, le HCR facilite le rapatriement des réfugiés quittant le Sud-Kivu pour le Burundi.
Cette situation pose des questions fondamentales sur la solidarité internationale et l’engagement réel de la communauté face aux crises africaines. Les ressources limitées dont disposent les agences humanitaires contrastent cruellement avec l’ampleur des besoins. Les déplacés du Nord-Kivu et les réfugiés du Sud-Kivu attendent des solutions durables, pas seulement de l’assistance d’urgence.
La crise humanitaire dans l’Est congolais dépasse le simple cadre d’une urgence humanitaire. Elle reflète les fractures profondes d’une région meurtrie par des décennies de conflits, où les civils paient le prix fort des calculs géopolitiques et des rivalités armées. La réponse internationale, jusqu’à présent, semble bien insuffisante face à l’ampleur de la tragédie.
Au-delà des chiffres et des rapports, ce sont des vies humaines qui sont suspendues à des décisions politiques et à l’arrivée de financements. La situation humanitaire catastrophique dans l’Est de la RDC exige plus qu’une simple assistance : elle nécessite une mobilisation internationale à la hauteur des souffrances endurées par ces populations oubliées.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net