Dans l’univers tumultueux des droits d’auteur en République Démocratique du Congo, la SOCODA RDC navigue depuis ses débuts dans des eaux troubles, déchirée entre deux clans aux visions antagonistes. Comment cette institution, censée protéger les créateurs, est-elle devenue le théâtre d’une guerre intestine qui hypothèque l’avenir de toute une génération d’artistes ?
L’ordonnance présidentielle de 2011 avait pourtant tracé les contours d’un édifice prometteur : une société coopérative dédiée à la gestion collective des droits d’auteur, devant remplacer les structures défaillantes du passé. Mais très vite, les espoirs se sont évanouis dans les méandres de conflits de pouvoir qui rappellent les pires heures de la politique congolaise. La SOCODA RDC, au lieu d’être un phare pour la création, est devenue le symbole du désordre institutionnalisé.
L’ère Jossart Nyoka Longo s’est ouverte sur des promesses de renouveau, portée par la notoriété du chanteur emblématique. Pourtant, le « clan Nyoka » a rapidement suscité des interrogations sur sa gestion. Les accusations de dilapidation de fonds – plus de 80 000 dollars américains selon les sociétaires – ont entaché la crédibilité de l’institution. Comment expliquer que des dépenses personnelles aient pu être imputées à une structure censée défendre les intérêts collectifs ?
Face à ce qui était perçu comme des dérives autoritaires, le « clan Bula » a émergé comme une contre-force déterminée. L’élection de Blaise Bula en février 2023 devait incarner la rupture avec les pratiques contestées. Son équipe, composée de figures comme Franck Dikisongele et Patrice Ngoyi Musoko, promettait transparence et efficacité dans la redistribution des redevances. Mais cette « révolution culturelle » s’est heurtée à la réalité des rapports de force judiciaires.
Les tribunaux sont devenus l’arbitre de ce conflit de gestion collective des droits. L’arrêt de la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe du 24 avril 2023, en annulant l’assemblée générale ayant installé Blaise Bula, a créé un bicéphalisme paralysant. Chaque décision, chaque nomination, devient l’enjeu de batailles procédurières qui éloignent un peu plus la SOCODA RDC de sa mission première.
Au-delà des luttes personnelles, c’est tout l’écosystème culturel congolais qui paie le prix de ces divisions. L’incapacité déclarée de la SOCODA à verser les droits d’auteur en octobre 2024 a sonné comme un coup de semonce. L’insolvabilité des médias assujettis, le non-respect des obligations de reporting – comment imaginer une gestion saine dans un tel contexte ?
Les droits d’auteur au Congo traversent une crise existentielle qui dépasse les simples querelles de personnes. Chaque jour que dure cette impasse, ce sont des créateurs qui voient leur travail dévalorisé, leur reconnaissance compromise. La beauté des rythmes congolais, la richesse des créations artistiques méritent-elles un tel traitement ?
Alors que le navire SOCODA tangue dangereusement, pris entre les écueils des conflits internes et les tempêtes des contentieux judiciaires, une question demeure : qui portera enfin remède à ce gâchis institutionnel ? La résolution des problèmes de droits d’auteur Congo nécessite plus que des changements d’hommes – elle exige une refonte profonde des mécanismes de gouvernance et de transparence.
L’avenir de la création congolaise se joue aujourd’hui dans cette bataille pour la légitimité de la gestion collective. Entre les clans Nyoka et Bula, entre les arrêts de justice et les sit-in protestataires, c’est l’âme même de la culture rd-congolaise qui cherche sa voie dans ce chaos organisé.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Eventsrdc