La récente baisse du dollar face au franc congolais observée sur les marchés de Kinshasa crée un paradoxe économique inquiétant : tandis que la devise américaine perd du terrain, les prix des biens de consommation maintiennent leur courbe ascendante. Cette déconnexion entre les indicateurs monétaires et la réalité du panier de la ménagère interpelle les observateurs et révèle les fragilités structurelles de l’économie congolaise.
Comment expliquer cette situation contre-intuitive où une monnaie nationale plus forte ne se traduit pas par un pouvoir d’achat amélioré ? L’économiste Matthieu Takizala apporte un éclairage technique saisissant : « L’injection massive de devises a créé un renforcement temporaire du franc congolais, mais cette variation monétaire reste un phénomène de surface sans impact réel sur l’inflation tant que la RDC dépend majoritairement des importations ».
Le diagnostic est sans appel : avec près de 80% des produits consommés provenant de l’étranger, la baisse dollar franc congolais ne peut mécaniquement pas influencer les prix marché Kinshasa. Chaque variation du taux de change se répercute instantanément sur le coût des importations, annulant tout bénéfice potentiel pour le consommateur final. Cette dépendance extrême aux biens importés fonctionne comme un frein structurel au développement économique national.
La solution, selon l’analyse de l’économiste Matthieu Takizala, réside dans un changement de paradigme économique radical. « La production locale représente le seul rempart durable contre l’inflation importée. Si nous produisons localement, les biens seront disponibles en quantité suffisante, ce qui favorisera mécaniquement la baisse des prix » insiste-t-il. Le développement de la production locale RDC apparaît ainsi comme la clé de voûte d’une stabilisation économique pérenne.
Mais le défi dépasse la simple relance productive. Le secteur informel Congo, qui représente selon les estimations près de 60% de l’activité économique nationale, constitue à la fois un atout et un obstacle. « Il faut structurer le secteur informel qui représente aujourd’hui une grande partie de notre économie » plaide Takizala. Cette formalisation progressive permettrait de capter une partie substantielle de la valeur économique actuellement échappant au circuit officiel.
Les perspectives de stabilisation durable des prix marché Kinshasa passent nécessairement par cette double transformation : valorisation de la production nationale et organisation du secteur informel. Ces deux leviers combinés pourraient créer les conditions d’une économie plus résiliente face aux chocs externes, tout en protégeant le pouvoir d’achat des Congolais.
La situation actuelle, où la baisse dollar franc congolais ne profite pas aux ménages, souligne l’urgence d’une politique économique recentrée sur les fondamentaux productifs. Sans cette réorientation structurelle, les variations monétaires continueront de n’être que des épiphénomènes sans impact tangible sur le quotidien des populations.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net