La récente appréciation du franc congolais face au dollar américain crée un paradoxe économique visible dans les marchés de Kinshasa. Alors que le taux de change dollar franc congolais affiche une amélioration notable, les consommateurs congolais constatent avec perplexité que cette évolution monétaire ne se traduit pas par un soulagement sur leurs factures quotidiennes.
Comment expliquer cette dissonance entre les indicateurs monétaires et la réalité des prix ? L’économiste Matthieu Takizala, spécialiste des questions monétaires en République Démocratique du Congo, apporte un éclairage crucial sur cette situation qui défie la logique économique conventionnelle. Selon son analyse, cette injection massive de devises, bien que renforçant temporairement le franc congolais, ne peut résoudre les déséquilibres structurels de l’économie nationale.
« La variation monétaire n’aura pas d’impact réel tant que la RDC dépend majoritairement des importations pour sa consommation », affirme l’expert. Cette dépendance aux biens importés, qui représentent une part substantielle du panier de la ménagère congolaise, annihile les effets potentiellement bénéfiques de l’évolution du taux de change. L’inflation RDC reste ainsi tributaire de facteurs externes qui échappent au contrôle des autorités monétaires nationales.
La solution, selon l’économiste Matthieu Takizala, réside dans un changement de paradigme économique fondamental. « Si nous produisons localement, les biens seront disponibles en quantité suffisante, ce qui favorisera la baisse des prix », souligne-t-il. Le renforcement de la production locale RDC apparaît ainsi comme le seul rempart durable contre l’instabilité des prix et la vulnérabilité aux chocs externes.
Mais comment transformer cette vision en réalité tangible ? L’économiste identifie deux leviers prioritaires. D’une part, la valorisation systématique de la production nationale, qui nécessite des investissements stratégiques dans les chaines de valeur locales. D’autre part, la structuration du secteur informel Congo, qui représente aujourd’hui une part essentielle de l’activité économique mais fonctionne en dehors des circuits formels de régulation.
« Il faut aussi structurer le secteur informel qui représente aujourd’hui une grande partie de notre économie », insiste M. Takizala. Cette formalisation progressive permettrait non seulement d’élargir l’assiette fiscale, mais aussi d’améliorer la productivité et la compétitivité des unités de production locales.
Les implications de cette analyse dépassent largement la simple question du pouvoir d’achat immédiat. Elles touchent à la résilience même de l’économie congolaise face aux fluctuations des marchés internationaux. La construction d’un appareil productif national robuste constituerait le meilleur bouclier contre les tempêtes monétaires et les crises d’approvisionnement.
Quelles seraient les conséquences concrètes d’une telle transformation ? Une économie moins dépendante des caprices du taux de change, une inflation mieux maîtrisée, et surtout, une autonomie stratégique retrouvée dans la satisfaction des besoins fondamentaux de la population.
La situation actuelle, bien que préoccupante, offre donc une opportunité unique de repenser le modèle économique congolais. Elle révèle avec acuité l’urgence de réduire la dépendance aux importations et de bâtir une base productive nationale solide. Le chemin vers la souveraineté économique passe nécessairement par cette réorientation fondamentale des priorités nationales.
À moyen terme, la stabilisation durable des prix et la protection du pouvoir d’achat des Congolais dépendront de la capacité des décideurs à mettre en œuvre cette vision économique renouvelée. L’enjeu dépasse la simple gestion monétaire pour toucher à la construction d’une économie véritablement résiliente et autocentrée.
Article Ecrit par Amissi G
Source: radiookapi.net