Dans les locaux de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) à Kinshasa, l’atmosphère est chargée d’émotion. Jeudi 25 septembre marque un tournant historique pour les défenseurs des droits humains en République Démocratique du Congo. Plus de quarante activistes ont franchi le pas ce premier jour, répondant à l’appel de l’opération d’identification et d’enregistrement officiellement lancée par l’institution nationale.
« Nous, en tant que défenseurs des droits de l’homme, nous sommes très heureux et soulagés de voir le début de cette activité aujourd’hui », confie l’un des premiers enregistrés, le visage marqué par des années de combat. « Les défenseurs qui étaient menacés, tracassés et tués même, seront bientôt protégés par la loi. » Ces mots résonnent comme un cri de libération pour ces hommes et femmes qui, trop souvent, ont œuvré dans l’ombre, au péril de leur vie.
Mais pourquoi cette formalisation suscite-t-elle autant d’espoir ? La réponse se trouve dans le quotidien périlleux de ces activistes. Combien ont payé de leur liberté, voire de leur vie, leur engagement pour les droits fondamentaux ? L’opération de la CNDH répond à une urgence : offrir un cadre légal à celles et ceux qui se battent pour les droits les plus élémentaires.
La Commission nationale des droits de l’homme se conforme aux dispositions de la loi du 15 juin 2023 relative à la responsabilité et à la protection des défenseurs des droits de l’homme. Cette avancée législative, combinée à l’arrêté du 25 novembre 2024 du ministère des Droits humains, crée enfin un environnement propice à l’exercice serein de cette noble mission.
Paul Nsapu, président de la CNDH, tient à rassurer : « Cette opération ne porte aucune atteinte à l’indépendance des défenseurs des droits humains, mais apporte plutôt des garanties de protection nécessaires dans l’exercice de leur libre travail. » Une déclaration qui vise à apaiser les craintes de ceux qui verraient dans cet enregistrement un outil de contrôle plutôt que de protection.
Sur le terrain, les opinions divergent. Si certains activistes rencontrés au siège de la Commission affirment soutenir l’opération, d’autres restent méfiants. Cette polarisation reflète-t-elle une fracture plus profonde au sein de la société civile congolaise ? Ou simplement la prudence naturelle face à un dispositif nouveau ?
L’identification des défenseurs droits humains en RDC représente pourtant une avancée majeure. Le répertoire en cours de création permettra non seulement de mieux protéger les activistes, mais aussi de renforcer leur crédibilité auprès des institutions nationales et internationales. Comment, en effet, prétendre défendre efficacement les droits sans être soi-même reconnu et protégé ?
L’opération, illimitée dans sa durée, va s’étendre progressivement dans les provinces. Cette décentralisation est cruciale pour toucher les défenseurs œuvrant dans les zones reculées, souvent les plus exposés aux violations. La CNDH devra relever le défi logistique pour assurer une couverture nationale effective.
Cette initiative arrive après deux longues années d’attente depuis la promulgation de la loi. Un délage qui souligne les complexités de mise en œuvre, mais aussi la détermination des autorités à concrétiser cet engagement. La protection des défenseurs des droits humains n’est plus une simple promesse, mais devient une réalité tangible.
Au-delà de l’aspect technique, cette opération d’enregistrement symbolise une reconnaissance officielle du rôle essentiel joué par la société civile dans la construction démocratique. Elle consacre leur légitimité et leur importance dans le paysage sociopolitique congolais. Les défenseurs des droits humains ne sont plus des acteurs marginaux, mais des partenaires incontournables.
Quels défis attendent maintenant la CNDH dans la mise en œuvre effective de ce dispositif ? La confidentialité des données collectées, l’accessibilité de la procédure pour tous les défenseurs, et surtout, la traduction concrète de cette protection dans le quotidien des activistes seront autant de tests pour cette initiative novatrice.
Alors que le soleil se couche sur Kinshasa ce jeudi historique, un espoir nouveau naît pour ceux qui, souvent dans l’ombre, se battent pour les droits de tous. L’enregistrement des défenseurs des droits humains en RDC marque peut-être le début d’une ère où le courage sera enfin reconnu et protégé, où la voix des sans-voix pourra résonner sans crainte.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net