Le terrain Assossa, cœur battant de la commune de Kasa-Vubu, a servi de cadre samedi dernier à une démonstration de force politique du Camp de la Patrie. Loin des arcanes feutrées du pouvoir, cette plateforme a choisi la symbolique de la place publique pour porter son message, devant une foule dont l’enthousiasme semblait répondre à l’urgence du moment.
Le coordonnateur Freddy Kita, dans une allocution martelée, a transformé cette tribune en chaire patriotique. « Le dialogue n’est pas une option, mais une nécessité vitale pour la République Démocratique du Congo », a-t-il affirmé, soulignant que les divisions internes fragilisent le pays face aux « complots ourdis par des forces étrangères ». Un discours qui résonne étrangement avec les récentes déclarations du Chef de l’État à l’ONU, créant ainsi un écho politique calculated.
La stratégie du Camp de la Patrie mérite analyse : en investissant l’espace public kinsois, le mouvement cherche-t-il à s’ériger en véritable contre-pouvoir ou simplement à occuper le terrain médiatique ? La mobilisation d’artistes et comédiens, véritable armée de soft power, démontre une maîtrise certaine des codes de la communication politique moderne. Cette approche populiste, bien orchestrée, contraste avec le langage diplomatique employé simultanément sur la scène internationale.
Le cœur du message de Freddy Kita tourne autour d’un concept-clé : la balkanisation. « Le dialogue demeure la seule voie pour sauver le pays de la balkanisation », a-t-il insisté, reprenant ainsi une thématique historique dans le discours politique congolais. Cette référence à la dislocation territoriale vise-t-elle à créer un électrochoc dans la population ou à légitimer une certaine vision de la gouvernance ? La question reste ouverte, mais l’efficacité rhétorique est indéniable.
Le timing de cette sortie publique n’est pas anodin. Elle intervient alors que le président Félix Tshisekedi dénonçait devant l’Assemblée générale des Nations Unies un « génocide silencieux » dans l’Est du pays. Ce parallélisme des discours crée une strange symétrie : pendant que le pouvoir officiel parle à la communauté internationale, le Camp de la Patrie s’adresse directement à la base. Deux stratégies complémentaires ou concurrentes ?
La promesse d’une tournée nationale annoncée par Freddy Kita laisse entrevoir une escalade dans la mobilisation. Le Camp de la Patrie semble vouloir capitaliser sur l’émotion générée par la crise sécuritaire pour imposer son agenda politique. Cette volonté de « véhiculer un message de paix, d’amour et d’éveil patriotique » à travers le pays ressemble à une tentative de repositionnement sur l’échiquier politique national.
Quelles sont les véritables ambitions derrière ce dialogue national tant promu ? S’agit-il d’une genuine initiative de résolution de crise ou d’une manœuvre pour obtenir une place à la table des négociations ? La réponse se trouve peut-être dans la suite des événements. Une chose est certaine : le meeting politique de Kinshasa a marqué un tournant dans la stratégie de communication de ce regroupement politique.
La crise de l’Est de la RDC, instrumentalisée par tous les acteurs politiques, devient le catalyseur de repositionnements stratégiques. Le Camp de la Patrie, par sa descente dans l’arène populaire, montre sa volonté d’incarner une alternative crédible. Reste à savoir si cette stratégie de terrain portera ses fruits ou si elle ne sera qu’un épisode supplémentaire dans le théâtre politique congolais.
Alors que les défis sécuritaires s’accumulent, la classe politique congolaise semble découvrir que les solutions ne viendront peut-être pas des seules chancelleries étrangères. Le véritable dialogue national tant attendu saura-t-il transcender les calculs politiciens pour apporter des réponses concrètes aux populations victimes de cette interminable crise ? L’avenir nous le dira, mais le meeting de Kasa-Vubu aura au moins eu le mérite de remettre cette question au centre du débat public.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net