Dans le territoire de Mambasa, en province de l’Ituri, une situation alarmante secoue le secteur éducatif. Comment expliquer que près de quarante enseignants du primaire aient préféré abandonner leurs élèves pour se consacrer à la culture du cacao ? La réponse réside dans une réalité économique insoutenable : des salaires si dérisoires qu’ils ne permettent plus de subvenir aux besoins fondamentaux.
Selon Michel Nesapongo, sous-directeur de la province éducationnelle Mambasa 2, trente-huit enseignants ont volontairement quitté les salles de classe seulement un mois après la rentrée scolaire 2025-2026. « Ces professionnels de la craie justifient leur départ par le mauvais traitement salarial qu’ils subissent », confie l’autorité scolaire, visiblement préoccupée par l’ampleur du phénomène.
Mais quelle est donc cette alternative qui semble plus attractive que l’éducation des jeunes générations ? La culture du cacao, devenue particulièrement rentable dans la région ces dernières saisons, représente aujourd’hui une bouée de sauvetage pour ces enseignants démunis. Face à l’impossibilité de vivre dignement de leur métier, ils se voient contraints de troquer les cahiers contre les plantations.
Les conséquences sur le système éducatif local sont déjà visibles. Dans plusieurs établissements scolaires de Mambasa, des salles de classe restent vides, privées de leurs encadreurs pédagogiques. Des élèves se retrouvent sans supervision, leur droit fondamental à l’éducation gravement compromis. Cette crise des enseignants Ituri illustre tragiquement les difficultés structurelles du secteur éducatif congolais.
« Nous assistons à une véritable hémorragie de nos compétences pédagogiques », déplore un directeur d’école sous couvert d’anonymat. « Comment motiver un enseignant à rester en poste quand son salaire ne lui permet même pas de nourrir sa famille correctement ? »
La crise éducation Mambasa dépasse le simple cadre territorial et pose des questions fondamentales sur la valorisation de la profession enseignante en République Démocratique du Congo. Les salaires enseignants RDC constituent-ils une priorité suffisante pour les autorités ? À quand une revalorisation significative qui permettrait de retenir ces précieux acteurs de l’éducation nationale ?
Le phénomène de l’abandon écoles primaires par les enseignants interroge également sur les alternatives économiques en milieu rural. La culture cacao Ituri, bien que présentée comme une solution de survie immédiate, soulève d’autres inquiétudes. Cette reconversion massive risque-t-elle de devenir définitive ? Quel impact à long terme sur la qualité de l’enseignement dans la région ?
Face à cette situation critique, le PROVED Nesapongo a lancé un appel aux enseignants concernés pour qu’ils restituent les cartes SIM par lesquelles ils perçoivent leurs salaires. Une mesure administrative qui semble bien dérisoire face à l’ampleur des défis structurels. La question des revenus des enseignants nécessite une approche plus globale et durable.
Cette crise met en lumière l’urgence d’une réflexion approfondie sur les conditions de travail des enseignants en zones rurales. Comment assurer la pérennité du système éducatif si ceux qui en constituent le pilier doivent constamment chercher des moyens de subsistance alternatifs ? L’avenir de l’éducation en Ituri, et plus largement en RDC, se joue peut-être dans ces salles de classe désertées.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net
