Dans un contexte d’insécurité grandissante, les écoles de la sous-division de Njiapanda-Manguredjipa, dans le territoire de Lubero au Nord-Kivu, restent désespérément vides ce lundi 22 septembre 2025. Une rentrée scolaire fantôme qui traduit l’impuissance face à la violence des groupes armés, particulièrement des ADF qui ciblent délibérément les civils.
Comment envisager une année scolaire normale lorsque les salles de classe pourraient devenir des cibles ? Cette question hante les enseignants et responsables scolaires qui, réunis le 12 septembre dernier, ont pris la décision radicale de suspendre toutes les activités pédagogiques jusqu’au rétablissement effectif de la sécurité.
« Il ne s’agit pas d’une grève, mais d’un arrêt nécessaire pour protéger nos vies », explique Philémon Kitumbu, porte-parole des enseignants. Le traumatisme récent du massacre de Ntoyo, où plus de cent civils ont perdu la vie dont quatre enseignants, pèse lourd dans cette décision collective. Les ADF semblent avoir changé de stratégie, ciblant spécifiquement les regroupements de personnes – rendant ainsi les écoles particulièrement vulnérables.
Face à cette situation intenable, l’administrateur militaire du territoire de Lubero, le colonel Kiwewa Mitela Alain, a tenté en vain de relancer la machine éducative. Son appel du 15 septembre est resté sans réponse, les acteurs du secteur éducatif maintenant fermement leur position : pas de reprise sans sécurité garantie.
Les conséquences de cette suspension prolongée des cours dans le Nord-Kivu sont multiples et préoccupantes. Outre le retard scolaire accumulé par les élèves, c’est toute une génération qui risque de payer le prix de l’insécurité. Les établissements scolaires, déjà fragilisés par des années de conflit, voient leurs infrastructures se dégrader et leur matériel pédagogique disparaître.
Mais jusqu’où peut-on sacrifier l’éducation au nom de la sécurité ? Les enseignants de Njiapanda semblent avoir trouvé leur réponse : ils recommandent aux parents de garder leurs enfants à domicile jusqu’au 31 décembre 2025, date à laquelle une première évaluation de la situation sera effectuée. Une mesure radicale qui illustre l’ampleur du désespoir face à l’incapacité des forces de sécurité à protéger la population civile.
Les attaques répétées des ADF dans les villages de Ntoyo, Melia, Mabunda et Bandulu ont créé un climat de terreur permanent. Les établissements scolaires, autrefois sanctuaires du savoir, sont devenus des symboles de vulnérabilité. Comment dans ces conditions assurer la continuité pédagogique quand chaque rassemblement d’élèves représente un risque mortel ?
La synergie des enseignants de Njiapanda-Manguredjipa a clairement fait passer un message aux autorités : la responsabilité de tout incident futur incombera à ceux qui voudraient forcer la reprise des activités sans garanties sécuritaires suffisantes. Une position ferme qui place les autorités devant leurs responsabilités.
Cette crise éducative dans le Lubero s’inscrit dans une problématique plus large de l’insécurité qui mine le Nord-Kivu depuis des années. Les écoles sont souvent les premières victimes collatérales des conflits armés, privant des milliers d’enfants de leur droit fondamental à l’éducation. La suspension des cours à Njiapanda n’est malheureusement qu’un épisode supplémentaire dans cette longue série de perturbations.
Quelles solutions envisager pour briser ce cercle vicieux ? La sécurisation effective de la zone apparaît comme la condition sine qua non à toute reprise des activités scolaires. Mais au-delà de la présence militaire, c’est une stratégie globale de protection des civils et des infrastructures éducatives qui doit être mise en place.
En attendant, les enseignants de la sous-division de Njiapanda restent mobilisés, promettant de se réunir dès que les conditions de sécurité le permettront pour évaluer la situation et préparer une reprise dans de bonnes conditions. Un espoir ténu pour des élèves dont l’avenir scolaire reste suspendu au rétablissement d’une paix durable dans cette région martyre du Nord-Kivu.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: Actualite.cd