Dans les rues poussiéreuses de Beni, une marche inhabituelle attire les regards ce samedi 21 septembre. Des centaines de membres des comités locaux de protection arpentent les avenues principales, micro en main, pour une mission cruciale : semer les graines de la paix dans une région meurtrie par des années de violence extrême au Congo.
« Notre gouvernement doit bien prendre ses responsabilités pour le rétablissement de la paix, et surtout il doit tisser une bonne relation avec la jeunesse », lance Kahambu Tumaini, adolescente membre de l’Association des jeunes pour Christ de la Patience. Sa voix porte loin dans le quartier Ngongolio, où la population écoute, sceptique mais attentive. Comment en est-on arrivé à ce que des adolescents doivent rappeler aux adultes leurs obligations fondamentales ?
Cette campagne de sensibilisation pour la paix à Beni s’inscrit dans le cadre de la Journée internationale de la paix, célébrée chaque 21 septembre. Mais ici, dans le Nord-Kivu, la paix n’est pas une simple commémoration – c’est une lutte quotidienne. Les comités ont sillonné les quartiers Ngongolio, Kalinda, Macampagne, Madrandele et bien d’autres, créant des îlots de dialogue dans une mer d’incertitudes.
Benjamin Asimoni, du comité local de protection, explique la démarche : « Ce qui reste à faire, c’est de mobiliser les communautés et de mettre en place des cadres sociaux pour encadrer les initiatives communautaires de paix et de cohésion sociale ». Son constat est amer : des jeunes déjà alliés aux initiatives négatives de violences extrêmes doivent être démobilisés. La résolution 2250 du Conseil de sécurité des Nations Unies concernant la jeunesse devient alors un outil précieux, mais encore trop méconnu.
Guy Kibira, chef de la Division provinciale de la Jeunesse, insiste sur l’urgence de la situation : « Dans notre région, cette paix est menacée, mais nous avons décidé d’aller vers les communautés de base pour que, désormais, dans les foyers, on commence à parler de la résolution 2250 ». Un aveu qui en dit long sur le décalage entre les textes internationaux et la réalité des familles congolaises. Pourquoi faut-il attendre que la violence extrême s’installe pour parler de prévention ?
La particularité de cette Journée internationale de la paix en RDC réside dans cette prise de parole des adolescents. Eux qui devraient être à l’école, à rêver d’avenir, se retrouvent en première ligne pour réclamer ce droit fondamental. Leur message est clair : la jeunesse congolaise veut être associée aux décisions qui concernent son avenir. Les comités locaux de protection du Nord-Kivu deviennent ainsi les artisans d’une nouvelle approche, basée sur l’inclusion et le dialogue intergénérationnel.
La cérémonie s’est clôturée par une production culturelle au stadium de basketball de Beni, moment rare de légèreté dans une ville souvent lourde de tensions. Des danses traditionnelles, des sketches éducatifs, des chants porteurs d’espoir – autant de manifestations qui prouvent que la culture peut être un vecteur de paix puissant.
Mais derrière cette apparente célébration se cache une amère réalité : la mobilisation pour la paix à Beni reste fragile, tributaire de l’engagement bénévole de citoyens ordinaires face à l’ampleur des défis. Les comités locaux de protection peuvent-ils véritablement contrer la violence extrême qui sévit dans la région sans un soutien institutionnel solide ? La résolution 2250 de l’ONU sera-t-elle autre chose qu’un vœu pieux sans une appropriation réelle par les autorités congolaises ?
Cette Journée internationale de la paix en RDC aura au moins permis de mettre en lumière un paradoxe troublant : ce sont souvent ceux qui devraient être protégés qui se mobilisent pour protéger les autres. Les adolescents de Beni, par leur engagement courageux, rappellent que la paix n’est pas une affaire d’adulte, mais une responsabilité collective. Reste à savoir si leur voix sera enfin entendue au-delà des stades de basketball et des avenues poussiéreuses de leur ville.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net