La soif tue à Malemba Nkulu. Dans cette contrée du Haut-Lomami, l’eau potable est devenue un mirage tandis que la pollution minière asphyxie les rivières et empoisonne les populations. Dix vies englouties par les eaux contaminées de la rivière Kalubwe en février 2025, des poissons disparus, des communautés entières condamnées à boire une eau mortifère : voilà le bilan dramatique d’une exploitation minière qui piétine allègrement les droits humains les plus élémentaires.
Comment en est-on arrivé à cette crise humanitaire silencieuse ? La société Mining Mineral Resources (MMR), filiale du groupe indien Vinmart, exploite cassitérite, coltan et wolframite dans cette région avec une impunité déconcertante. Ses laveries installées à Kanunka et Katondo rejettent des substances toxiques qui contaminent les cours d’eau, tandis que l’entreprise ignore superbement ses obligations légales. Le pire ? MMR n’a jamais payé la dotation minière de 0,3% qui aurait pu financer l’accès à l’eau potable pour ces communautés abandonnées.
La rivière Kalubwe, affluent des lacs Kibala et Songwe Ziba, charrie désormais la mort. Les poissons « Vodo », aliment de base et ressource économique majeure, ont purement disparu. Les populations de Songwe, Katondo, Manga et Malemba-Centre survivent dans une angoisse permanente, contraintes de consommer une eau qui les empoisonne lentement. Une violation flagrante du droit constitutionnel à un environnement sain, une négation du caractère sacré de la vie humaine proclamé par l’article 16 de la Constitution congolaise.
L’Institut de recherche en droits humains (IRDH) tire la sonnette d’alarme avec une vérité crue : « La vie humaine et un environnement sain ne peuvent faire l’objet d’une transaction ». Hubert Tshiswaka, coordinateur de l’IRDH, souligne l’urgence d’une médiation encadrée juridiquement dans le cadre de l’Observatoire de la redevance minière. Une procédure qui permettrait aux communautés d’entrer dans leurs droits, aux familles des victimes d’obtenir réparation, et à MMR d’éviter des poursuites judiciaires aux conséquences potentiellement dévastatrices.
Le Code minier de 2018 est pourtant clair : l’article 258 impose la protection stricte de l’environnement, des ressources aquatiques et des terres agricoles. Mais sur le terrain, ces dispositions restent lettre morte. La crise de l’eau potable à Malemba Nkulu illustre tragiquement le fossé entre les textes légaux et la réalité vécue par les populations locales. Une injustice d’autant plus criante que la RDC dispose d’un potentiel hydrique parmi les plus importants d’Afrique.
Que faire face à cette urgence humanitaire ? L’IRDH recommande des mesures immédiates : approvisionnement d’urgence en eau potable, versement effectif des redevances minières, réparation équitable des préjudices humains et environnementaux. La réouverture des médiations conventionnelles s’impose comme une nécessité absolue pour éviter que cette crise ne dégénère en catastrophe irréversible.
La situation à Malemba Nkulu dépasse le simple cadre local. Elle questionne notre modèle de développement minier et notre capacité à concilier exploitation des ressources et respect des droits humains. Jusqu’où tolérerons-nous que des vies soient sacrifiées sur l’autel du profit immédiat ? Quand comprendrons-nous que l’eau polluée d’aujourd’hui hypothèque irrémédiablement le développement de demain ?
Les communautés du Haut-Lomami attendent des actes concrets. Leur survie dépend désormais de la capacité des autorités congolaises à faire respecter la loi et à garantir l’accès à l’eau potable, ce droit fondamental devenu si précaire dans cette région martyrisée par une exploitation minière prédateire.
Article Ecrit par Miché Mikito
Source: Actualite.cd