Dans une intervention qui fera date, le Cardinal Fridolin Ambongo a livré dimanche une homélie cinglante qui secoue les fondations du paysage politique congolais. L’archevêque métropolitain de Kinshasa, figure morale incontournable, a transformé la chaire de la cathédrale Notre Dame du Congo en tribune d’un réquisitoire implacable contre la classe dirigeante.
« Ceux qui sont censés représenter notre peuple ne se préoccupent que de la date de leur rentrée institutionnelle pour augmenter leurs salaires, négocier de nouveaux véhicules et avantages, au lieu de se soucier du peuple abandonné à son triste sort », a-t-il déploré, dans une critique politique RDC sans précédent. Ces paroles, prononcées lors de la messe solennelle clôturant la semaine justice et paix Congo, résonnent comme un coup de semonce dans l’arène politique congolaise.
Le cardinal a magistralement articulé son message autour du livre d’Amos, citant le verset dénonçant « ceux qui dévorent l’indigent et qui ruinent les malheureux du pays ». Cette référence biblique, habilement contextualisée, sert de miroir à la réalité congolaise où les préoccupations matérielles des élus semblent primer sur les urgences humanitaires. L’homélie Kinshasa devient ainsi bien plus qu’un discours religieux : un acte politique majeur.
La situation dans les provinces orientales préoccupe particulièrement le prélat. « Comment expliquer que des décennies de conflits recurrents persistent dans le Nord et Sud-Kivu, l’Ituri, le Maï-Ndombe, le Kwilu et le Kwango ? » s’interroge implicitement le cardinal. Son analyse pointe l’urgence pour la RDC de retrouver une paix fondée sur la justice, seul rempart contre l’effritement national.
Les témoignages des survivants des atrocités commises par les miliciens Mobondo dans le plateau de Bateke, présentés durant la célébration, ont ajouté une dimension humaine poignante à ce tableau déjà sombre. Ces récits dramatiques illustrent concrètement l’abandon dénoncé par le cardinal Fridolin Ambongo, créant une rupture émotionnelle avec l’indifférence supposée des institutions.
La solidarité affichée par l’archevêque envers les populations victimes des conflits et des occupations rebelles contraste singulièrement avec le « détournement d’énergie des députés » qu’il fustige. Ce parallèle saisissant entre l’engagement pastoral et le comportement des élus interpelle sur la nature même de la représentation politique dans la Congo contemporain.
L’appel à la solidarité nationale et à l’évitement des divisions lancé par le cardinal pourrait-il trouver un écho favorable dans le paysage politique actuel ? La question mérite d’être posée, alors que les fractures semblent se creuser davantage. Le prélat joue ici un rôle de médiateur moral, tentant de préserver l’unité nationale menacée.
Cette intervention du Cardinal Ambongo s’inscrit dans une tradition ecclésiale congolaise d’interpellation politique, mais avec une intensité renouvelée. Le timing de cette homélie, à un moment crucial de la vie nationale, n’est probablement pas fortuit. Quel impact cette prise de position aura-t-elle sur les dynamiques politiques en cours ?
La critique des priorités parlementaires soulève une question fondamentale : les institutions congolaises sont-elles encore en mesure de répondre aux attentes légitimes des populations ? Le décalage entre les préoccupations des élus et celles des citoyens, magistralement exposé par le cardinal, pourrait alimenter une réflexion plus profonde sur la réforme des pratiques politiques.
Alors que la RDC traverse une période complexe, la voix du Cardinal Fridolin Ambongo apporte une lumière crue sur les contradictions du système. Son message, à la fois spirituel et politique, pourrait bien influencer les équilibres à venir. Reste à savoir si les concernés sauront entendre cet appel à plus de justice et d’équité.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net
