Dans les ruelles boueuses de N’djili, un souffle d’espoir traverse les maisons encore marquées par les stigmates des inondations d’avril. Près de deux cents femmes et jeunes filles, meurtries par les eaux et l’abandon, ont enfin vu une lueur de solidarité se concrétiser ce week-end. Des kits de première nécessité – matelas, riz, huile, sucre et bidons d’eau – leur ont été remis, mais surtout, des kits menstruels, un geste rare et précieux dans un contexte où l’hygiène intime devient souvent un luxe inaccessible.
« Nous avons tout perdu en une nuit », confie Mama Léontine, veuve et mère de quatre enfants. « Dormir à même le sol humide, se cacher pendant ses règles… c’était une humiliation de plus. Aujourd’hui, on nous redonne un peu de notre dignité. » Comme elle, beaucoup de femmes en situation de vulnérabilité – veuves, handicapées, enceintes ou issues de quartiers défavorisés – ont salué cette initiative conjointe de l’organisation AFRIYAN RDC et de l’ambassade du Canada.
Mais au-delà de l’aide matérielle, c’est un message fort qui est envoyé : celui de la considération pour celles qui, trop souvent, sont les grandes oubliées des crises. Les inondations à Kinshasa ne sont pas qu’une question d’infrastructures détruites ou de routes impraticables. Elles sont aussi une crise sanitaire et sociale qui frappe en priorité les femmes. Comment ignorer que, dans ces moments de détresse, leurs besoins spécifiques sont relégués au second plan ?
Laurencine Nonga, représentante d’AFRIYAN RDC, insiste sur cette dimension humaine : « Notre action ne se limite pas à distribuer des vivres. Il s’agit de redonner espoir, de restaurer la dignité de celles qui ont été doublement fragilisées – par les intempéries et par l’indifférence. » En marge de la distribution, des séances de sensibilisation à l’hygiène de vie ont été organisées, visant à renforcer l’autonomie des jeunes filles dans un environnement hostile.
La communauté locale, bien que reconnaissante, interpelle aussi les autorités et les autres acteurs humanitaires : et si cette action n’était que le début ? Les besoins restent immenses, et les inondations à Kinshasa ne sont malheureusement pas un phénomène isolé. Les habitants de N’djili aspirent à des solutions durables – assainissement des zones à risque, renforcement des systèmes d’alerte, programmes sociaux pérennes – et pas seulement à des interventions ponctuelles, aussi nobles soient-elles.
Alors que les bénéficiaires repartent avec un peu de réconfort dans le cœur et des produits essentiels dans les mains, une question persiste : jusqu’à quand devront-elles compter sur la générosité étrangère pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires ? L’action d’AFRIYAN RDC et du Canada est salutaire, mais elle met aussi en lumière les carences structurelles d’un système qui laisse ses citoyens les plus fragiles à la merci des catastrophes naturelles. Et si la véritable reconstruction commençait par écouter celles qui portent le poids invisible des crises ?
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net