Dans les salles de classe du Kongo-Central, un silence inquiétant remplace peu à peu le bourdonnement habituel des leçons. Comment expliquer que ceux qui façonnent l’avenir de la nation doivent aujourd’hui compter les jours sans salaire ? La question des primes enseignants impayées devient criante dans cette province où la gratuité de l’enseignement de base, promise comme une révolution éducative, se heurte à une réalité administrative implacable.
Quatre mois. Quatre longs mois durant lesquels les enseignants des écoles primaires publiques attendent le versement de la prime destinée à compenser la mise en œuvre de la politique de gratuité. Une prime qui, pour beaucoup, représente bien plus qu’un simple complément salarial : une bouée de sauvetage dans un océan de précarité.
Lors d’une assemblée générale tenue à l’école primaire Talambanza de Matadi, la colère sourde a cédé la place à une protestation organisée. Isaac Lukombo Malanda, porte-parole adjoint de la Synergie des syndicats des enseignants, résume amèrement la situation : « Nous avons arraché des promesses qui ne sont jamais réalisées ». Une phrase qui en dit long sur le découragement face à des autorités provinciales semblant sourdes à leurs revendications.
Mais au-delà des chiffres et des mois d’arriérés, que se joue-t-il vraiment ? La gratuité de l’enseignement base Kongo-Central devait être un tremplin pour l’éducation, mais elle risque de devenir son tombeau si ceux qui la portent au quotidien ne sont pas respectés. Les syndicats enseignants RDC tirent la sonnette d’alarme : comment motiver des professeurs qui doivent négocier avec leurs créanciers en attendant un paiement incertain ?
La crise éducation Kongo-Central n’est pas qu’une question comptable. Elle touche à la crédibilité même du système éducatif congolais. Si les enseignants doivent consacrer leur énergie à réclamer leur dû plutôt qu’à préparer leurs cours, c’est toute une génération d’élèves qui paiera le prix de cette négligence.
Les arriérés de paiement enseignants ne sont pas une simple formalité administrative. Ils représentent des familles qui ne mangent pas à leur faim, des enfants qui ne peuvent pas aller à l’école équipés convenablement, des enseignants qui doivent cumuler des petits jobs au détriment de leur préparation pédagogique. La spirale infernale est enclenchée, et seul un engagement ferme des autorités provinciales pourra l’arrêter.
La Synergie syndicale lance un ultimatum voilé : honorer les engagements ou faire face à une paralysie progressive du secteur. Personne ne souhaite une grève qui priverait les enfants d’éducation, mais jusqu’où la patience des enseignants peut-elle s’étendre ?
Alors que l’année scolaire avance, la question reste en suspens. Les salles de classe du Kongo-Central deviendront-elles le théâtre d’un mouvement de protestation ou le lieu d’une renaissance éducative ? La réponse dépend désormais de la capacité des autorités à comprendre que l’éducation ne se construit pas sur des promesses non tenues, mais sur le respect concret de ceux qui en sont les artisans au quotidien.
Article Ecrit par Yvan Ilunga
Source: radiookapi.net