La capitale congolaise étouffe sous le poids d’une congestion routière devenue chronique, un mal urbain qui a finalement forcé l’intervention directe du chef de l’État. Lors du Conseil des ministres de ce vendredi, le Président Félix-Antoine Tshisekedi a tiré la sonnette d’alarme, qualifiant la situation d’« insoutenable pour les Congolais ». Cette prise de position présidentielle marque-t-elle un tournant décisif dans la gestion chaotique de la circulation à Kinshasa ?
Derrière les déclarations officielles se cache une réalité brutale : les embouteillages Kinshasa ne constituent plus une simple nuisance, mais un frein structurel au développement économique et social. Le temps perdu quotidiennement dans les bouchons monstres équivaut à une saignée invisible pour la productivité nationale, tandis que la qualité de vie des habitants se dégrade inexorablement.
La réponse gouvernementale, orchestrée par Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, s’articule autour de trois axes prioritaires. Premièrement, le renforcement des unités de police routière RDC, avec un état des lieux urgent confié au vice-premier ministre de l’Intérieur. Deuxièmement, l’appui militaire ciblé, une mesure exceptionnelle qui souligne la gravité de la situation. Troisièmement, la régulation drastique des taxi-motos Kinshasa, désormais interdites de centre-ville et strictement cantonnées aux zones périphériques.
Le dossier des taxi-motos illustre parfaitement les contradictions de la gestion urbaine congolaise. Longtemps tolérées comme solution informelle aux carences des transports publics, ces motos-taxis deviennent aujourd’hui la cible privilégiée des mesures gouvernementales transport. Port obligatoire du casque, identification rigoureuse, exclusion du centre-ville : le gouvernement tente de reprendre le contrôle d’un secteur échappant à toute régulation.
Cette offensive régulatrice ne surgit pourtant pas ex nihilo. Le Président Tshisekedi a rappelé lors du conseil que dès novembre 2024, il avait insisté sur l’urgence d’améliorer la circulation routière RDC. Le vice-Premier ministre des Transports avait été chargé de présenter un plan opérationnel incluant signalisation moderne, gestion intelligente des carrefours et solutions technologiques adaptées. Pourquoi ces instructions sont-elles restées lettre morte pendant près d’un an ?
La dimension interinstitutionnelle du problème apparaît clairement dans la répartition des responsabilités. Tandis que le ministère de l’Intérieur doit renforcer les effectifs policiers, le gouverneur de Kinshasa est sommé d’accélérer la réforme du transport urbain collectif. Cette multiplicité d’acteurs explique-t-elle l’inefficacité persistante des actions menées jusqu’à présent ?
L’implication potentielle de l’armée dans la régulation traffic constitue sans doute l’élément le plus controversé de ce plan. Faut-il y voir une militarisation préoccupante de l’espace urbain ou simplement une reconnaissance pragmatique de l’ampleur du défi ? La frontière entre maintien de l’ordre et exception sécuritaire semble s’amincir dangereusement.
Au-delà des mesures annoncées, c’est toute la gouvernance urbaine de Kinshasa qui se trouve interrogée. Les embouteillages monstres ne résultent-ils pas d’un urbanisme défaillant, d’un manque chronique d’investissements dans les infrastructures et d’une absence de vision stratégique ? Les solutions techniques, si nécessaires soient-elles, suffiront-elles à résoudre un problème aussi structurel ?
Le timing de cette offensive contre les embouteillages n’est certainement pas neutre. Alors que la capitale continue de croître de manière anarchique, la question des transports devient un enjeu politique majeur. L’incapacité à résoudre ce problème affecte directement la légitimité des autorités auprès d’une population exaspérée par les pertes de temps quotidiennes.
La réussite de ce plan dépendra ultimement de sa mise en œuvre concrète. L’histoire récente de la RDC regorge de mesures annoncées avec fracas mais jamais appliquées. Le président Tshisekedi parviendra-t-il à imposer une coordination effective entre les différentes institutions concernées ? La fluidité retrouvée des artères de Kinshasa constituerait un succès tangible pour une population longtemps abandonnée à son sort.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: radiookapi.net