Les eaux à peine retirées, l’angoisse revient déjà. À Kinshasa, des centaines de familles sinistrées des inondations d’avril dernier reprennent le chemin des zones inondables, défiant les consignes de sécurité et les engagements pris. Comment expliquer ce retour périlleux vers des territoires que les autorités jugent « non constructibles » ?
« J’ai perdu ma maison en avril, mais l’indemnisation ne couvrait même pas trois mois de loyer ailleurs », témoigne Mama Sophie, veuve et mère de cinq enfants, rencontrée dans le quartier de Ngaliema. Son regard traduit cette détresse silencieuse qui pousse des milliers de Kinois à braver le danger. Comme elle, nombreux sont ceux qui, malgré les avertissements gouvernementaux, ont regagné leurs habitations fragilisées par les dernières inondations.
Le gouvernement provincial de Kinshasa tire pourtant la sonnette d’alarme avec une fermeté inhabituelle. Dans un communiqué rendu public ce jeudi, l’Exécutif provincial met en garde contre « tout retour ou maintien dans ces zones non constructibles ». La perspective de nouvelles intempéries annoncées pour la saison à venir justifie cette mise en garde urgente. Les pluies diluviennes qui s’abattent régulièrement sur la capitale congolaise transforment en pièges mortels ces zones inondables déjà meurtries.
Mais au-delà de l’avertissement aux populations, le communiqué s’attaque frontalement à un mal plus profond : la corruption de certains fonctionnaires. « Les fonctionnaires qui lotissent des zones non aedificandi mettent en péril la vie de personnes innocentes », dénonce le texte, promettant des sanctions administratives et pénales sévères. Une mise en garde qui soulève une question cruciale : jusqu’à quand la spéculation immobilière primerait-elle sur la sécurité des citoyens ?
La situation révèle un cercle vicieux complexe. D’un côté, des sinistrés contraints de retourner dans des zones dangereuses par manque d’alternatives viables. De l’autre, des autorités qui peinent à offrir des solutions durables tout en luttant contre la corruption endémique qui gangrène l’urbanisme kinois. Les inondations à Kinshasa ne sont-elles finalement que le symptôme d’une crise urbaine plus large ?
Les dernières inondations d’avril ont une fois de plus mis en lumière la vulnérabilité de la capitale face aux changements climatiques. Mais elles ont surtout révélé les failles d’un système où la précarité économique pousse les plus démunis à prendre des risques insensés. Comment briser ce cycle infernal qui expose chaque année des milliers de familles aux caprices des intempéries ?
La question de la responsabilité collective se pose avec acuité. Entre la régie des voies fluviales, le gouvernorat de la ville, les ministères de l’urbanisme et une population souvent livrée à elle-même, la gestion des zones inondables de la RDC semble échapper à tout contrôle coherent. Les prochaines pluies diluviennes annoncées pourraient bien servir de test ultime pour une capitale déjà à bout de souffle.
Article Ecrit par Chloé Kasong
Source: Actualite.cd