Une nouvelle onde radio émet désormais depuis les hauteurs de Kipese, dans le territoire de Lubero au Nord-Kivu. Il y a une semaine, les rebelles de l’AFC/M23 ont lancé les transmissions de la Radio Télévision Communautaire de Kipese (RTCK) sur la fréquence 92.0 MHz. Cet installation médiatique stratégique soulève d’importantes questions sur le contrôle de l’information dans cette région en proie aux tensions.
La localisation de la station, perchée sur les hauteurs de Kipese, n’a rien de fortuit. Des observateurs locaux affirment que cette position permet à l’émetteur de couvrir une vaste zone, renforçant ainsi l’emprise du groupe rebelle sur le territoire. L’objectif avoué serait de diffuser des messages favorables à l’idéologie de l’AFC/M23 tout en verrouillant l’accès à une information indépendante.
Le financement de cette infrastructure médiatique révèle des méthodes coercitives inquiétantes. Dès le mois d’août, une équipe spéciale mise en place par les rebelles, en collaboration avec des cadres locaux, a procédé à une collecte systématique de taxes. De nombreux habitants de l’agglomération se sont retrouvés contraints de contribuer financièrement, craignant des représailles en cas de refus.
Curieusement, depuis son installation, la radio ne diffuse pour l’instant que de la musique. Aucun programme structuré, aucun message politique n’a encore été mis en ondes. Ce silence programmatique interroge : s’agit-il d’une phase de rodage technique ou d’une stratégie délibérée d’attente ?
L’histoire récente de cette fréquence radio ajoute une dimension dramatique à cette installation. La station avait préalablement été détruite lors des violents affrontements de février dernier entre les FARDC, les miliciens wazalendo et les rebelles de l’AFC/M23. Sa reconstruction symbolise-t-elle une consolidation de la présence rebelle dans la région ?
La situation à Kipese reflète les nouvelles stratégies déployées par les groupes armés dans l’Est de la RDC. Au-delà des armes, la bataille pour le contrôle des esprits et de l’information devient un enjeu crucial. L’installation de médias locaux permet d’influencer les populations, de légitimer des actions et d’asseoir une autorité parallèle.
Les conséquences de ce contrôle informationnel pourraient être significatives. Sans accès à une information diversifiée et indépendante, les populations risquent de se trouver isolées, privées de contre-pouvoir médiatique. Comment garantir le droit à l’information dans ces zones sous influence rebelle ?
Les autorités congolaises surveillent-elles cette situation médiatique particulière ? Quelles mesures pourraient être envisagées pour contrer cette emprise sur l’information ? La communauté internationale, souvent attentive aux développements dans l’Est de la RDC, portera-t-elle attention à cet aspect moins visible mais essentiel du conflit ?
La radio de Kipese, pour l’instant silencieuse excepté ses diffusions musicales, représente bien plus qu’un simple émetteur. Elle incarne les nouvelles frontières de la guerre de l’information dans les zones de conflit du Nord-Kivu. Son évolution programmatique dans les prochaines semaines sera scrutée avec attention par tous ceux qui suivent la complexe situation sécuritaire de la région.
Article Ecrit par Cédric Botela
Source: Actualite.cd